14Nous nous rĂ©fĂ©rons en particulier Ă deux Ă©tudes publiĂ©es Ă quelques annĂ©es de distance : Besnard, 1 ; 15 Cf. Besnard, 1987, pp. 72-73. Quant au troisiĂšme Ă©lĂ©ment de la moralitĂ©, lâautonomie de la volontĂ©, 16 Besnard, 1987, pp. 124-125 et surtout 1993b.; 17 Besnard, 1987, pp. 72-74, 125.; 5 Il paraĂźt en tout cas indĂ©niable que, au tournant du siĂšcle, le
RĂ©sumĂ© Index Plan Texte Bibliographie Notes Citation Auteur RĂ©sumĂ©s Le refus dâinscription dâenfants migrants Ă lâĂ©cole maternelle, comme celui de scolarisation des mineurs non accompagnĂ©s ĂągĂ©s de plus de seize ans, illustre une confusion frĂ©quente entre obligation scolaire et droit Ă lâĂ©ducation. Cette situation peut dĂ©couler de choix politiques assumĂ©s visant principalement les membres de la communautĂ© Rom. Mais on ne peut exclure que, dans certains cas, cette erreur rĂ©sulte dâune rĂ©elle ignorance du droit en vigueur. Dans tous les cas, il sâagit de graves atteintes aux droits de lâHomme. Aucune source juridique ne vient limiter le bĂ©nĂ©fice du droit Ă lâĂ©ducation en fonction de lâĂąge, de la nationalitĂ©, ou du statut des parents, lorsque les bĂ©nĂ©ficiaires sont des enfants. Deux dĂ©cisions adoptĂ©es par le ComitĂ© europĂ©en des droits sociaux, en 2018, prĂ©cĂ©dĂ©es dâun rapport du DĂ©fenseur des droits sur lâĂ©cole, publiĂ©e en 2016, nous invitent Ă une analyse des obligations incombant Ă lâĂtat français pour assurer lâeffectivitĂ© du droit Ă lâĂ©ducation. The refusal to enrol migrant children in kindergarten, or to school of unaccompanied minors over the age of sixteen, illustrates a frequent confusion between compulsory education and the right to education. This situation may be the result of political choices mainly targeting members of the Roma community, sometimes on purpose. However, it cannot be ruled out that, in some cases, this error results from a real ignorance of the law in force. In all cases, it involves serious human rights violations. No legal source limits the benefit of the right to education according to the age, the nationality, or the status of the parents, when the beneficiaries are children. Two decisions adopted by the European Committee of Social Rights in 2018, preceded by a report by the Rights Defender on School, published in 2016, invite us to analyse the obligations incumbent upon the French State to ensure the effectiveness the right to education. La negativa a inscribir a niños migrantes en el jardĂn infantil, junto con la negativa de la escolarizaciĂłn de menores no acompañados mayores de 16 años, ilustra una confusiĂłn frecuente entre la educaciĂłn obligatoria y el derecho a la educaciĂłn. Esta situaciĂłn puede ser el resultado de decisiones polĂticas asumidas que se dirigen principalmente a miembros de la comunidad romanĂ. Pero no se puede descartar que en algunos casos este error resulta de un verdadero desconocimiento de la ley vigente. En cualquier caso, se trata de graves violaciones de derechos humanos. Ninguna fuente legal limita el beneficio del derecho a la educaciĂłn segĂșn la edad, la nacionalidad o la situaciĂłn de los padres, cuando los beneficiarios son niños. Dos decisiones adoptadas por el ComitĂ© Europeo de Derechos Sociales en 2018, precedidas por un informe del Defensor de los Derechos en la Escuela, publicado en 2016, nos invitan a analizar las obligaciones que incumben al Estado francĂ©s para garantizar la eficacia del derecho a la de page EntrĂ©es dâindex Haut de page Texte intĂ©gral 1 Je souhaite la fin de la scolarisation automatique et gratuite pour les enfants de clandestins. E ... 1En France, comme dans les 193 autres Ătats parties Ă la Convention internationale relative aux droits de lâenfant, le droit Ă lâĂ©ducation et/ou Ă lâinstruction est garanti pour tous Rapporteur spĂ©cial sur le droit Ă lâĂ©ducation, 2013 § 25. La constitution de la VĂšme RĂ©publique, comme toute une sĂ©rie de traitĂ©s adoptĂ©s dans le cadre dâorganisations internationales Ă vocation universelle ou rĂ©gionale, câest-Ă -dire les sources juridiques les plus Ă©levĂ©es dans la hiĂ©rarchie des normes, offrent Ă ce droit une force indĂ©niable. Il est indispensable dâinsister sur lâimportance de ces sources dans lâordonnancement du droit en France, et notamment sur lâinterdiction de toute discrimination quâelles imposent. Ainsi, la stabilitĂ© juridique offerte par la Constitution et les traitĂ©s, tout en demeurant relative, mĂ©rite dâĂȘtre soulignĂ©e, notamment quand le bĂ©nĂ©fice de ce droit est remis en question par certains partis politiques pour les enfants Ă©trangers1. 2 Voir infra. 2Cependant, diffĂ©rentes instances nationales et internationales2 ont pu confirmer ce que des associations dĂ©plorent LDH, 2018 ; CDERE, 2016, de façon rĂ©currente, Ă savoir que lâĂtat français ne respecte pas toujours les obligations qui lui incombent en vertu de ce droit Ă lâĂ©ducation. Sont essentiellement victimes de ces manquements des enfants en situation de handicap, et des enfants et des jeunes adultes dans un contexte de migration, cette seconde catĂ©gorie couvrant un ensemble de situations trĂšs hĂ©tĂ©rogĂšne, comme nous allons le constater. 3La diversitĂ© des situations de migration dans lesquelles le droit Ă lâĂ©ducation nâest pas respectĂ© illustre des hĂ©sitations, contradictions, confusions dans sa mise en Ćuvre. Toutefois, un point commun Ă lâensemble de ces cas est Ă chercher dans la vulnĂ©rabilitĂ© des intĂ©ressĂ©s, plutĂŽt que dans leur nationalitĂ©. Par ailleurs, un certain nombre dâobstacles rencontrĂ©s pourraient ĂȘtre partagĂ©s par des enfants ou jeunes adultes français victimes de grande pauvretĂ© et prĂ©caritĂ© IGEN, 2015. Ă lâexception du handicap, ce serait la prĂ©caritĂ© des familles, ou lâisolement, la fragilitĂ© des statuts et le sentiment dâexclusion qui caractĂ©riseraient lâensemble des victimes des manquements de la France Ă ses obligations en matiĂšre dâĂ©ducation. 3 TA Poitiers Ordonnance du 12 juillet 2016, n°1601537. 4 TA Cergy-Pontoise, jugement du 15 novembre 2013, n°1101769. 4De nombreux mineurs non accompagnĂ©s se voient priver des bĂ©nĂ©fices du droit Ă lâĂ©ducation, soit parce quâils sont en attente de prise en charge, soit parce que leur minoritĂ© nâest pas reconnue, soit mĂȘme parce que lâAide Sociale Ă lâEnfance ASE a confondu droit Ă lâĂ©ducation et obligation scolaire DĂ©fenseur des droits, 2016a 38. Ă Poitiers, par exemple, une telle confusion avait conduit Ă considĂ©rer quâil nâĂ©tait pas nĂ©cessaire de procĂ©der Ă lâinscription dans un Ă©tablissement scolaire des mineurs ĂągĂ©s de plus de seize ans. Le juge administratif avait sanctionnĂ© cette attitude et astreint le conseil dĂ©partemental de la Vienne Ă y remĂ©dier3. Quant Ă la possibilitĂ© de suivre une formation en alternance â qui peut ĂȘtre particuliĂšrement intĂ©ressante pour un jeune de plus de seize ans, isolĂ© â, elle reste trĂšs alĂ©atoire, du fait de la nĂ©cessitĂ© de disposer dâune autorisation de travail Meier-Bourdeau, 2014 103. Dans un autre pĂ©rimĂštre, telle ou telle mairie, opĂ©rant une erreur voisine, refuse lâinscription Ă lâĂ©cole maternelle dâenfants, sous le prĂ©texte quâils ont moins de six ans4. Ici ce seront des exigences mal comprises en matiĂšre de vaccins obligatoires qui font obstacle Ă la rĂ©alisation de ce droit. DĂ©fenseur des droits, 2016a 26-28 Et quand lâinaccessibilitĂ© des Ă©tablissements scolaires rĂ©sulte de la multiplication dâĂ©vacuations de campements, et/ou de lâabsence de moyens de transports publics, ce sont souvent les manquements des parents Ă lâobligation scolaire qui sont mis en avant, en omettant de sâinterroger sur ceux des pouvoirs publics CEDS, 2018b §§ 62-63. Le Collectif pour le Droit des Enfants Roms Ă lâĂducation CDERE, Ă lâissue dâun travail dâenquĂȘte menĂ©e entre novembre 2015 et juillet 2016, auprĂšs de 161 jeunes, ĂągĂ©s de douze Ă dix-huit ans, vivant dans trente-quatre squats et bidonvilles, a relevĂ© que 53 % nâallaient pas Ă lâĂ©cole et que le taux de dĂ©scolarisation atteignait 67 %, en intĂ©grant les Ă©lĂšves non assidus CDERE, 2016 5. Le taux de dĂ©scolarisation le plus important atteint 96 % pour les seize-dix-huit ans CDERE, 2016 11. Mais, câest Ă Calais que la situation la plus dramatique a Ă©tĂ© rencontrĂ©e par le DĂ©fenseur des droits, lors dâune mission menĂ©e en juin et juillet 2015. Ses services ont pu constater lâabsence totale de prise en charge Ă©ducative DĂ©fenseurs des droits, 2016b 49. Enfin on ne saurait oublier lâĂ©tat du droit Ă lâĂ©ducation hors du territoire mĂ©tropolitain, particuliĂšrement en Guyane et Ă Mayotte, avec notamment des exemples dâexclusion du systĂšme scolaire dâenfants apatrides CNCDH, 2017 39-43. 5Une approche juridique du droit Ă lâĂ©ducation des enfants en situation de migration contribue Ă rĂ©interroger le contenu de ce droit et des obligations qui en dĂ©coulent pour les pouvoirs publics, moins souvent discutĂ© que ne le sont le respect de lâobligation scolaire, de la libertĂ© dâenseignement et lâhistoire du droit Ă lâinstruction Kissangoula, 2008. Elle permet de mettre en lumiĂšre un droit de lâHomme qui, loin dâĂȘtre secondaire, devrait ĂȘtre considĂ©rĂ© comme un droit matriciel Le Rouzic, 2014 38, au sens oĂč ils engendrent dâautres droits de portĂ©e et de valeur diffĂ©rentes » Mathieu, 1995 211 et oĂč il a une qualitĂ© initiale nourrissante, formatrice et protectrice des jeunes esprits » Gonzalez, 2010 1004. Sans affirmer que les juridictions françaises sont prĂȘtes Ă suivre la Cour suprĂȘme indienne qui, dans une dĂ©cision historique de 1991, a reconnu que le droit Ă lâĂ©ducation faisait partie intĂ©grante du droit Ă la vie Rapporteur spĂ©cial sur le droit Ă lâĂ©ducation, 2013 § 28, elles admettront quâil est Ă la fois un droit fondamental en soi et une des clefs de lâexercice des autres droits inhĂ©rents Ă la personne humaine » Rapporteur spĂ©cial sur le droit Ă lâĂ©ducation, 2013 § 83. Cependant, de nombreux exemples tendent Ă prouver que toutes les obligations qui en dĂ©coulent pour les Ătats ne sont pas systĂ©matiquement suivies des effets attendus. LâĂ©volution dâune approche globale, objective, portĂ©e par lâaffirmation de la nĂ©cessitĂ© de bĂątir un systĂšme institutionnel rĂ©pondant aux besoins de la Nation », vers une conception de lâĂ©ducation comme un droit de lâHomme, nâa probablement pas produit toutes les transformations consĂ©cutives DebĂšne, 1998 65. Bien que la France ait adhĂ©rĂ© au Pacte international relatif aux droits Ă©conomiques, sociaux et culturels PIDESC, dĂšs 1980, DebĂšne considĂšre que le point de dĂ©part du changement, en France, ne remonterait quâĂ la loi dâorientation de 1989. Ce traitĂ© garantit, sans aucune ambiguĂŻtĂ© le droit Ă lâĂ©ducation, comme un droit centrĂ© sur lâĂ©lĂšve ou lâĂ©tudiant et non plus au service des besoins dâun Ătat. 5 CE 8 avril 2009, n°311434, M. et Mme A. 6Alors que sa justiciabilitĂ© nâest plus discutĂ©e Rapporteur spĂ©cial sur le droit Ă lâĂ©ducation, 2013 ; Roman, 2012, toutes les consĂ©quences de cette situation nâont probablement pas Ă©tĂ© tirĂ©es. Les juridictions ne sont peut-ĂȘtre ni les acteurs les plus adaptĂ©s aux victimes des violations de ce droit ni les voies les plus empruntĂ©es. Le nombre de recours introduits en la matiĂšre est relativement faible, pour des raisons qui tiennent aux caractĂ©ristiques des victimes. Jeunes adultes ou parents dâĂ©lĂšve sont trop souvent marquĂ©s par leur vulnĂ©rabilitĂ©, par une mĂ©connaissance de leurs droits, mais aussi souvent rebutĂ©s par des obstacles dâordre socio-culturels. Le rĂŽle des associations qui favorisent la connaissance des droits est donc particuliĂšrement important. Ces diffĂ©rents paramĂštres expliquent probablement en partie que, jusquâĂ prĂ©sent, le Conseil dâĂtat nâait pas ou pas encore Ă©tĂ© conduit Ă rappeler les obligations de lâĂtat français Ă lâĂ©gard des enfants et jeunes migrants, aussi clairement quâil lâa fait pour la scolarisation des enfants en situation de handicap, en 20095. Dans cet arrĂȘt, le Conseil dâĂtat a affirmĂ©, de façon explicite, que les obligations de lâĂtat en matiĂšre de droit Ă lâĂ©ducation Ă©taient des obligations de rĂ©sultat et non de moyens. Il dĂ©clare en particulier quâil incombe Ă lâĂtat, au titre de sa mission dâorganisation gĂ©nĂ©rale du service public de lâĂ©ducation, de prendre lâensemble des mesures et de mettre en Ćuvre les moyens nĂ©cessaires pour que ce droit et cette obligation aient, pour les enfants handicapĂ©s, un caractĂšre effectif ». Si lâon songe que les dĂ©lais dâattente pour rejoindre un dispositif dâunitĂ© pĂ©dagogique pour Ă©lĂšves allophones arrivants UP2A dĂ©passent souvent six mois DĂ©fenseur des droits, 2016a 35-37, il serait trĂšs intĂ©ressant que le Conseil dâĂtat ait Ă statuer sur une telle hypothĂšse et rende un arrĂȘt comparable Ă celui du 8 avril 2009. En attendant, rien nâempĂȘche de transposer les principes posĂ©s pour les enfants en situation de handicap aux enfants primo-arrivants allophones, par exemple, ou aux enfants de campements. Le droit Ă lâĂ©ducation impose une obligation de rĂ©sultat en ce domaine. Actuellement, les manquements touchent presque exclusivement, en France, les enfants en situation de handicap et les enfants en situation de grande vulnĂ©rabilitĂ©, comme lâa dĂ©plorĂ© le ComitĂ© des droits de lâenfant, dans son examen de la situation nationale ComitĂ© des droits de lâenfant, 2016 § 57-60 et 71. 7Tout en se gardant de confondre ces deux catĂ©gories de statuts, certains rapprochements peuvent ĂȘtre utilement opĂ©rĂ©s. Sans sous-estimer les dĂ©faillances du systĂšme Ă©ducatif français face Ă certains handicaps, il est intĂ©ressant de relever lâimportance de la mobilisation dâassociations de parents. En particulier, deux dâentre elles ont portĂ©, Ă une dizaine dâannĂ©es dâintervalle, une rĂ©clamation relative aux violations dont sont victimes, dans leur scolarisation, les enfants vivant avec un trouble du spectre de lâautisme devant le ComitĂ© europĂ©en des droits sociaux CEDS Autisme Europe c. France 2004 et Action europĂ©enne des handicapĂ©s contre France 2013. Cet organe dâexperts du Conseil de lâEurope, une quasi-juridiction, ne rend pas des dĂ©cisions dâun poids juridique comparable aux arrĂȘts de la Cour europĂ©enne des droits de lâHomme ou du Conseil dâĂtat. Mais lâoriginalitĂ© de la procĂ©dure de rĂ©clamations collectives, comme lâaudace de son travail, a quelque peu aiguillonnĂ©, semble-t-il, juridictions françaises, Cour europĂ©enne des droits de lâHomme et lĂ©gislateur français, dans la lutte contre les discriminations dont sont victimes les enfants vivant avec un Gonzalez, 2010 1005. Si ce comitĂ© avait dĂ©jĂ eu lâoccasion de sâintĂ©resser au droit Ă lâĂ©ducation dâenfants en situation de grande prĂ©caritĂ©, lâannĂ©e 2018 lui a permis de rendre, en quelques semaines, deux dĂ©cisions mettant un point final, dâune part, Ă une procĂ©dure relative au traitement dâenfants et de jeunes adultes roms, et dâautre part, une procĂ©dure relative aux dĂ©faillances de la prise en charge de mineurs non accompagnĂ©s. Ces affaires introduites respectivement par le Forum EuropĂ©en des Roms et Gens du Voyage FERV et par le ComitĂ© europĂ©en dâAction spĂ©cialisĂ©e pour lâenfant et la famille dans leur milieu de vie EUROCEF visent lâĂtat français. Elles se sont dĂ©roulĂ©es dans une pĂ©riode qui correspond Ă la publication du rapport du DĂ©fenseur des droits relatif au droit Ă lâĂ©ducation DĂ©fenseur des droits, 2016a et Ă diffĂ©rentes manifestations dâONG alertant sur la non ou mal scolarisation dâun nombre important dâenfants et dâadolescents vivant dans une profonde pauvretĂ© CDERE, 2016 ; LDH, 2018. Le moment semble donc particuliĂšrement propice Ă une analyse de la question. Dans un premier temps, ces diffĂ©rentes voies nous suggĂšrent de nous arrĂȘter sur le flou terminologique qui rĂšgne autour des notions dâĂ©ducation, dâinstruction, dâenseignement et de scolarisation. Cet examen dĂ©bouche, sans surprise, sur le constat dâune confusion omniprĂ©sente dans la pratique des pouvoirs publics entre droit Ă lâĂ©ducation et obligation scolaire. Enfin lâintĂ©rĂȘt essentiel de lâeffectivitĂ© de ce droit conduit Ă tenter de prĂ©ciser le contenu des obligations qui incombent Ă lâĂtat. Droit Ă lâĂ©ducation et/ou droit Ă lâinstruction 6 Ă titre dâexemple, Article L111-1 Le droit Ă lâĂ©ducation est garanti Ă chacun afin de lui permett ... 7 TA Poitiers 2016 Ă©gal accĂšs Ă lâinstruction », ou CE 2009 le droit Ă lâĂ©ducation est garanti Ă ... 8Certaines dispositions du Code de lâĂ©ducation6, mais Ă©galement la jurisprudence française7 sont rĂ©vĂ©latrices du manque de clartĂ© concernant les contenus respectifs des notions dâinstruction, dâĂ©ducation, dâenseignement et de scolarisation. Ce flou ne touche pas spĂ©cifiquement les migrants, nĂ©anmoins il Ă©claire des points de friction rĂ©currents dont certaines traductions contemporaines sont susceptibles de les intĂ©resser pleinement. LâĂ©laboration des textes fondamentaux 8 Notons que non seulement RenĂ© Cassin Ă©tait professeur de droit, mais quâil fut Ă©galement Commissair ... 9 Article 21 â LibertĂ© dâenseignement dans le plan adoptĂ© le 9 juin 1947. Article 35 du projet prĂ©sen ... 9Alors que le droit Ă lâĂ©ducation est introduit par la DĂ©claration universelle des droits de lâHomme DUDH, des hĂ©sitations se sont manifestĂ©es au cours de son Ă©laboration. En effet, les travaux prĂ©paratoires de cette rĂ©solution de lâAssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale de lâONU permettent de constater que le reprĂ©sentant de la France, RenĂ© Cassin8, trĂšs actif dans les discussions relatives Ă cette disposition, avait commencĂ© par Ă©voquer un droit Ă lâinstruction9. Ce texte nâa certes quâune valeur de recommandation, mais câest lui qui a fait entrer ce droit dans la protection internationale des droits de lâHomme. Son Ă©laboration a durĂ© deux ans. Dans un premier temps, il nâest question que de proclamer le droit Ă lâinstruction pour tout individu, avec la gratuitĂ© au moins pour lâinstruction primaire. Le point de discussion est alors de savoir si lâaccĂšs Ă lâenseignement supĂ©rieur doit dĂ©pendre des moyens de lâĂtat ou des mĂ©rites de la personne. Ă lâarrivĂ©e, le mot instruction nâapparaĂźt plus dans le texte de la DUDH mais un nouvel alinĂ©a a fait son apparition. Il concerne la libertĂ© des parents de choisir le genre dâĂ©ducation Ă donner Ă leurs enfants. Aucun argument Ă©voquĂ© nâexplique le glissement du mot instruction » vers le mot Ă©ducation ». Aussi, doit-on se contenter de suppositions nourries par les dĂ©bats des annĂ©es 1946 Ă 1948. 10Une autre source de divergences sâest manifestĂ©e durant les travaux prĂ©paratoires de la DUDH, mais sans laisser aucune trace dans le texte final, câest la question de savoir si les minoritĂ©s devraient avoir le droit de recevoir un enseignement dans leur propre langue lorsquâelle est diffĂ©rente de celle de la majoritĂ©. Rappelons que la DUDH ne fait aucune place aux minoritĂ©s. Une des raisons de ce silence est lâimpossibilitĂ© pour les Ătats de se mettre dâaccord sur la question de savoir si les minoritĂ©s pouvaient ĂȘtre composĂ©es dâĂ©trangers Valette, 2012 338. 11Quelques mois aprĂšs lâadoption de la DUDH, les Ătats membres du Conseil de lâEurope, considĂ©rĂ© alors comme le club des Ătats dĂ©mocratiques » sous-entendu non communistes, commencent Ă travailler sur le texte de la Convention europĂ©enne des droits de lâhomme CEDH. Ils sâinspirent trĂšs explicitement du texte de la DUDH. Mais, trĂšs vite, deux domaines, lâĂ©ducation et le droit de propriĂ©tĂ© apparaissent comme trop sensibles pour pouvoir ĂȘtre pris en compte par la CEDH. Les discussions sont pourtant poursuivies, aprĂšs lâadoption de la CEDH, en vue dâun protocole additionnel. Elles sont centrĂ©es sur la libertĂ© des parents, alors quâaucune intervention ne concerne les Ă©lĂšves ou futurs Ă©lĂšves. Le mot instruction est alors substituĂ© Ă celui dâĂ©ducation. Sont rĂ©pĂ©tĂ©s les dangers liĂ©s Ă lâembrigadement par les Ătats, avec les exemples de lâAllemagne nazie et de lâURSS Conseil de lâEurope, 1967 6 et 14. Câest ce qui permet de comprendre quâil y ait une formulation trĂšs particuliĂšre de ce droit dans le premier protocole additionnel Ă la CEDH Nul ne peut se voir refuser le droit Ă lâinstruction. LâĂtat, dans lâexercice des fonctions quâil assumera dans le domaine de lâĂ©ducation et de lâenseignement, respectera le droit des parents dâassurer cette Ă©ducation et cet enseignement conformĂ©ment Ă leurs convictions religieuses et philosophiques ». 12Les discussions sur la tournure nĂ©gative de la premiĂšre phrase prouvent Ă©galement que le choix a Ă©tĂ© fait de limiter les obligations des Ătats en la matiĂšre Travaux prĂ©paratoires, 1967 126. Sont nommĂ©ment dĂ©signĂ©s, lors des travaux prĂ©paratoires, les adultes illettrĂ©s envers lesquels les Ătats europĂ©ens les plus riches nâont pas voulu prendre dâengagement, de mĂȘme que pour les degrĂ©s autres que lâenseignement primaire Travaux prĂ©paratoires, 1967 152. Les migrations contribuent Ă renouveler lâintĂ©rĂȘt dâhĂ©sitations terminologiques historiques, illustrant la permanence dâun dĂ©bat sur le partage entre des obligations Ă©tatiques et familiales 13Quelques auteurs prĂȘtent attention Ă la question de savoir sâil subsiste des diffĂ©rences entre le droit Ă lâinstruction et le droit Ă lâĂ©ducation, mais ils ne semblent pas dâaccord pour reconnaĂźtre lequel serait plus large que lâautre Pavageau, 2017 140 ; Le Rouzic, 2014 17-22 ; Gonzalez, 2010 1003. On peut remarquer que la Cour europĂ©enne des droits de lâHomme, elle-mĂȘme, interprĂ©tant lâarticle 2 du premier protocole, utilise dĂ©sormais indiffĂ©remment la formulation droit Ă lâĂ©ducation » ou droit Ă lâinstruction » CEDH, Guide sur lâarticle 2 du protocole 1 2018. En revanche aucune de ces deux notions ne saurait ĂȘtre confondue ni avec lâenseignement que lâune et lâautre incluent ni avec la scolarisation dont le pĂ©rimĂštre est encore plus rĂ©duit puisque lâenseignement peut ĂȘtre donnĂ© en dehors du cadre scolaire, illustrant lâun des aspects de la libertĂ© de lâenseignement PrĂ©lot, 2007. Enfin, non seulement ni lâĂ©ducation, ni lâinstruction nâimpliquent systĂ©matiquement scolarisation, mais encore lâĂ©ducation et lâinstruction comprennent une part de socialisation qui nâest pas limitĂ©e Ă la scolarisation DebĂšne, 1998 68. 14Le ComitĂ© des droits Ă©conomiques et sociaux et le ComitĂ© des droits de lâenfant ont adoptĂ© respectivement une observation gĂ©nĂ©rale sur le droit Ă lâĂ©ducation et sur les buts de lâĂ©ducation. Ces textes, dĂ©pourvus de valeur contraignante, proposent de guider les Ătats parties au PIDESC et Ă la Convention des droits de lâenfant, dans lâinterprĂ©tation des articles 13 du celui-ci et 29 de celle-lĂ . En prĂ©cisant les buts de lâĂ©ducation, le ComitĂ© des droits de lâenfant reconnaĂźt que âlâĂ©ducationâ dĂ©passe de loin les limites de lâenseignement scolaire formel et englobe toute la sĂ©rie dâexpĂ©riences de vie et des processus dâapprentissage qui permettent aux enfants individuellement et collectivement de dĂ©velopper leur personnalitĂ©, leurs talents et leurs capacitĂ©s et de vivre une vie pleine et satisfaisante au sein de la sociĂ©tĂ© ». Il poursuit en affirmant que le droit de lâenfant Ă lâĂ©ducation implique non seulement lâaccĂšs Ă lâĂ©ducation mais est Ă©galement porteur dâexigences quant Ă son contenu. 15Ces aspects terminologiques apparaissent a priori assez Ă©loignĂ©s des prĂ©occupations liĂ©es aux manquements de la France Ă ses obligations en matiĂšre dâĂ©ducation. Mais, dans lâanalyse des diffĂ©rences entre instruction et Ă©ducation, ressurgit essentiellement la question du partage des droits et devoirs relevant respectivement des parents ou autres responsables de lâenfant et de lâĂtat Le Rouzic, 2014 15-16 ; Hennebel et Tigroudja, 2016 1221. Le meilleur moyen de limiter les tensions autour du tracĂ© de cette frontiĂšre est certainement dâorganiser des Ă©changes entre lâinstitution et la famille. Dans lâoptique des enfants migrants, ceux-ci peuvent ĂȘtre illustrĂ©s dâau moins trois façons. 10 Circulaire n°2017-060 du 03/04/2017. 16PremiĂšrement, une succession de dispositifs, plus ou moins expĂ©rimentaux, ont Ă©tĂ© conçus pour faciliter le dialogue entre lâĂ©cole et les parents allophones. Câest notamment ce que prĂ©voit une circulaire du 4 avril 2017 relative au Dispositif Ouvrir lâĂcole aux parents pour la rĂ©ussite des enfants OEPRE au titre de lâannĂ©e scolaire 201710, fruit dâune collaboration entre les ministĂšres de lâĂducation nationale et de lâintĂ©rieur. Il repose essentiellement sur des offres de formation linguistique et sur lâinformation des intĂ©ressĂ©s. Si lâidĂ©e est intĂ©ressante, on peut facilement imaginer que la rĂ©alisation est doublement dĂ©licate, Ă la fois pour des raisons matĂ©rielles, mais aussi parce que de fait, certaines catĂ©gories de parents sont exclues parce que non migrants. Non seulement ce dispositif nâest pas disponible sur lâensemble du territoire français, mais en plus explicitement limitĂ© aux parents primo-arrivants ou immigrĂ©s dâorigine extra communautaire. OrganisĂ© en partie par le ministĂšre de lâIntĂ©rieur, il ne touchera vraisemblablement pas les parents en situation irrĂ©guliĂšre. 11 Directive du 25 juillet 1977 visant Ă la scolarisation des enfants des travailleurs migrants 77/48 ... 12 17DeuxiĂšmement, la prise en compte de la culture et de la langue des parents pourrait ĂȘtre perçue comme rĂ©sultant de la volontĂ© de tisser un lien avec les familles. Ce point nâest Ă©voquĂ© sous cet angle que par la Convention sur les droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. Cependant, les dispositions pertinentes de ce traitĂ© ne crĂ©ent aucune obligation Ă lâencontre des Ătats, se contentant de les encourager, et la France ne lâa pas ratifiĂ©. Actuellement, sur son territoire, le traitement de cette question relĂšve dâune approche de coopĂ©ration avec les Ătats dâĂ©migration, comme en tĂ©moigne une dizaine dâaccords bilatĂ©raux adoptĂ©s sur le fondement dâune directive europĂ©enne de 197711. Il nâest donc pas directement abordĂ© en termes de partages des droits et obligations entre parents et Ătat. Les objectifs poursuivis, dâaprĂšs le site du ministĂšre de lâĂducation nationale, sont de structurer la langue parlĂ©e dans le milieu familial, favoriser lâĂ©panouissement personnel des jeunes issus dâautres cultures, valoriser la diversification des langues Ă lâĂ©cole », en partant du constant que la maĂźtrise de la langue maternelle est un prĂ©alable nĂ©cessaire Ă la rĂ©ussite dâune langue seconde »12. La directive europĂ©enne â il est vrai antĂ©rieure Ă la Convention des droits de lâenfant, mais pas au PIDESC â ignore complĂštement le droit Ă lâĂ©ducation, comme le droit Ă lâinstruction et a pour objectif de faciliter lâintĂ©gration des enfants de travailleurs migrants, en cas de retour. On ne saurait donc considĂ©rer la question de lâenseignement de la langue maternelle comme rĂ©vĂ©latrice Ă elle seule dâune volontĂ© de faciliter les relations parents-Ă©cole. 18TroisiĂšmement, on ne peut que dĂ©plorer les amalgames, frĂ©quemment opĂ©rĂ©s au dĂ©triment dâenfants et dâadultes vulnĂ©rables, entre les devoirs des parents lâobligation scolaire et les obligations de lâĂtat le droit Ă lâĂ©ducation, lorsquâest invoquĂ©e lâobligation scolaire. Droit Ă lâĂ©ducation et obligation scolaire 19Quâil sâagisse de garantir un droit Ă lâinstruction constitution et premier protocole additionnel Ă la Convention europĂ©enne des droits de lâHomme ou Ă lâĂ©ducation, force est de constater quâaucune indication dâĂąge nâest donnĂ©e par les sources les plus Ă©levĂ©es dans la hiĂ©rarchie des normes. De la mĂȘme façon, aucune de ces normes ne restreint par quelque critĂšre que ce soit les bĂ©nĂ©ficiaires de ce droit. Câest ainsi que confronter le droit Ă lâĂ©ducation aux migrations ne devrait pas ĂȘtre une question en soi. Les bĂ©nĂ©ficiaires du droit Ă lâĂ©ducation 13 CE, 24 janvier 1996, n°153746 Lusilavana. 20Aucune des sources juridiques en vigueur en France ne conditionne le droit Ă lâĂ©ducation Ă un Ăąge, une nationalitĂ©, un statut juridique donnĂ©. Lâinscription dâun Ă©lĂšve de nationalitĂ© Ă©trangĂšre ne peut pas ĂȘtre subordonnĂ©e Ă la prĂ©sentation dâun titre de sĂ©jour, comme lâa prĂ©cisĂ© le Conseil dâĂtat dĂšs 199613. Du prĂ©ambule de la Constitution au PIDESC, en passant par le premier protocole Ă la Convention europĂ©enne des droits de lâHomme, tous ces textes font de chaque ĂȘtre humain, un bĂ©nĂ©ficiaire potentiel de ce droit. Certes, la Convention internationale relative aux droits de lâenfant, frĂ©quemment invoquĂ©e Ă ce sujet, pourrait prĂȘter Ă confusion puisquâelle limite son champ dâapplication gĂ©nĂ©ral aux enfants, câest-Ă -dire aux individus mineurs. On ne saurait en dĂ©duire que les droits quâelle garantit ne peuvent lâĂȘtre Ă des individus majeurs, par dâautres textes. Ainsi en est-il du droit Ă lâĂ©ducation dont chacun bĂ©nĂ©ficie tout au long de sa vie DebĂšne, 1998 65. 21Aucune condition de nationalitĂ© nâest en principe pertinente pour limiter le bĂ©nĂ©fice dâun droit de lâHomme, sauf exceptions Nivard, 2014, auxquelles le droit Ă lâĂ©ducation nâappartient pas. Effectivement, les Ătats sâengagent Ă garantir les droits de lâHomme Ă tout individu qui est sous leur juridiction, comme lâa opportunĂ©ment rappelĂ© la Cour europĂ©enne des droits de lâHomme Ă maintes reprises, soulignant que la juridiction couvrait tout le territoire, sans sây limiter. Dans le cas particulier du droit Ă lâĂ©ducation des enfants, le ComitĂ© des droits des travailleurs migrants ComitĂ© travailleurs migrants, 2013 § 75 a nettement insistĂ© sur le fait que les bĂ©nĂ©ficiaires Ă©taient tous les enfants, indĂ©pendamment du statut de leurs parents. Il ne sâagit certes que de la position dâun organe dâexperts des Nations unies qui ne lie pas lâĂtat français. Mais elle nâest ni complĂštement isolĂ©e, ni en contradiction avec les jurisprudences nationales et europĂ©ennes. Le ComitĂ© europĂ©en des droits sociaux a eu lâoccasion dâadopter une position comparable, en traitant une rĂ©clamation collective contre la France CEDS, 2013 § 128. AprĂšs avoir soulignĂ© que Refuser lâaccĂšs Ă lâĂ©ducation Ă un enfant en situation irrĂ©guliĂšre, câest le rendre plus vulnĂ©rable encore », il a mis en Ă©vidence la caractĂ©ristique essentielle qui donne aux obligations des Ătats en la matiĂšre une exceptionnelle importance lâenfant auquel est refusĂ© lâaccĂšs Ă lâĂ©ducation en subira les consĂ©quences dans sa vie ». Il ne fait donc aucun doute, par exemple, que lâĂtat français aurait dĂ» garantir aux enfants prĂ©sents dans ce quâil est convenu dâappeler la jungle de Calais, un droit Ă lâĂ©ducation, contrairement Ă ce que les services du DĂ©fenseur des droits ont pu observer DĂ©fenseur des droits, 2016b 49. 14 CEDS Autisme Europe c. France, DĂ©cision sur le bien-fondĂ© du 4 novembre 2003, §.53. 22Cela Ă©tant, les distinctions entre lâenseignement primaire et les autres Ă©lĂ©ments constitutifs du droit Ă lâĂ©ducation posĂ©es notamment par le PIDESC et la Convention des droits de lâenfant doivent ĂȘtre lues Ă la lumiĂšre du principe de rĂ©alisation progressive Hennebel et Tigroudja, 2016 660 et 1197-1198. Comme lâa soulignĂ© le ComitĂ© europĂ©en des droits sociaux lorsque la mise en Ćuvre de lâun des droits protĂ©gĂ©s par la Charte est exceptionnellement complexe et onĂ©reuse, les mesures prises par lâĂtat pour atteindre les objectifs de la Charte doivent remplir les trois critĂšres suivants i une Ă©chĂ©ance raisonnable, ii des progrĂšs mesurables et iii un financement utilisant au mieux les ressources quâil est possible de mobiliser »14. Le rĂ©alisme empĂȘche de garantir Ă tous, partout, un droit Ă lâĂ©ducation sans limite dâĂąge ou de niveau. Aussi, lâenseignement primaire est-il une prioritĂ©. Mais la dimension progressive qui existe pour les autres degrĂ©s dâenseignement et pour des situations particuliĂšres telles que celles Ă©voquĂ©es par le ComitĂ© europĂ©en des droits sociaux ne doit pas ĂȘtre confondue avec une absence dâobligations. On ne saurait puiser dans lâexistence de cette espĂšce de noyau dur quâest lâenseignement primaire ni une raison de limiter le cercle des bĂ©nĂ©ficiaires du droit Ă lâĂ©ducation ni une raison de restreindre ce bĂ©nĂ©fice Ă lâenseignement du premier degrĂ©. Mais on peut se demander si la prioritĂ© accordĂ©e, par ces sources internationales, Ă lâenseignement primaire ne contribuerait pas Ă nourrir une confusion entre droit Ă lâĂ©ducation et obligation scolaire. 15 CE 8 avril 2009, n°311434, M. et Mme A. 16 Le PrĂ©sident Macron a annoncĂ© dans un discours du 27 mars 2018 que lâĂąge du dĂ©but de lâobligation s ... 23Cette rĂ©alisation progressive nâĂ©quivaut pas Ă rĂ©duire, dâune façon gĂ©nĂ©rale, les obligations de lâĂtat français Ă une obligation de moyen, ainsi que le Conseil dâĂtat lâa fort opportunĂ©ment prĂ©cisĂ© dans un arrĂȘt relatif Ă la scolarisation dâune enfant en situation de handicap15. Câest ainsi que non seulement lâenseignement doit ĂȘtre accessible Ă tous, en deçà et au-delĂ de la fourchette six-seize ans dans laquelle est enfermĂ©e lâobligation scolaire16. De plus, la France, en ratifiant la Charte sociale europĂ©enne rĂ©visĂ©e, sâest engagĂ©e Ă en respecter toutes les dispositions dont lâarticle 30, intitulĂ© Droit Ă la protection contre la pauvretĂ© et lâexclusion sociale, dont la Partie II qui se lit comme suit En vue dâassurer lâexercice effectif du droit Ă la protection contre la pauvretĂ© et lâexclusion sociale, les Parties sâengagent a Ă prendre des mesures dans le cadre dâune approche globale et coordonnĂ©e pour promouvoir lâaccĂšs effectif notamment Ă lâemploi, au logement, Ă la formation, Ă lâenseignement, Ă la culture, Ă lâassistance sociale et mĂ©dicale des personnes se trouvant ou risquant de se trouver en situation dâexclusion sociale ou de pauvretĂ©, et de leur famille ». 24Son champ dâapplication nâest ni limitĂ© Ă la tranche dâĂąge concernĂ©e par lâobligation scolaire, ni mĂȘme Ă lâenfance. 17 Code de justice administrative, 18 Circulaire interministĂ©rielle du 25 janvier 2016 relative Ă la mobilisation des services de lâĂtat ... 25Ă titre dâexemple, on rappellera que le tribunal administratif de Poitiers, en juillet 2016, a enjoint au prĂ©sident du Conseil dĂ©partemental de la Vienne de procĂ©der Ă la prĂ©inscription ou Ă lâinscription de M. dans un Ă©tablissement scolaire de la Vienne, dans un dĂ©lai de trente jours Ă compter de la notification de la prĂ©sente ordonnance, sous astreinte de 100 euros par jour de retard », aprĂšs avoir rappelĂ© que lâĂ©gal accĂšs Ă lâinstruction Ă©tait une libertĂ© fondamentale - ce qui ouvre la possibilitĂ© de rĂ©fĂ©rĂ© libertĂ©, permettant lâintervention trĂšs rapide du juge administratif qui doit se prononcer dans un dĂ©lai de quarante-huit heures17. Le requĂ©rant Ă©tait ĂągĂ© de dix-sept ans lors de cette affaire. Le DĂ©fenseur des droits, dans son rapport de 2016, souligne la frĂ©quence des hypothĂšses de refus de scolarisation des mineurs non accompagnĂ©s de plus de seize ans DĂ©fenseur des droits, 2016a 38. Plus prĂ©cisĂ©ment, il cite lâarticle L-122-2 alinĂ©a 3 du code de lâĂ©ducation Tout mineur non Ă©mancipĂ© dispose du droit de poursuivre sa scolaritĂ© au-delĂ de lâĂąge de seize ans ». Enfin, il rappelle que Dans la continuitĂ© de ce texte, la circulaire du 25 janvier 201618 souligne lâimportance de veiller Ă la scolarisation des jeunes Ă©trangers y compris entre seize et dix-huit ans et aprĂšs dix-huit ans, lorsque ces derniers souhaitent poursuivre leur cursus de formation ». Plus rĂ©cemment, le ComitĂ© europĂ©en des droits sociaux du Conseil de lâEurope, dans le cadre dâune rĂ©clamation collective relative Ă la situation des mineurs non accompagnĂ©s, en France, a Ă son tour insistĂ© sur le droit Ă lâĂ©ducation et Ă la formation de ces jeunes, y compris quand ils sont ĂągĂ©s de plus de seize ans CEDS, 2018b § 124. 26Prenant en considĂ©ration des enfants plus ĂągĂ©s ou de jeunes adultes, on pourra remarquer que le droit Ă lâĂ©ducation peut se traduire par un droit Ă bĂ©nĂ©ficier dâune formation professionnelle et non plus seulement Ă une scolarisation. Câest prĂ©cisĂ©ment le sens de lâarticle L-122-2 du Code de lâĂ©ducation Tout Ă©lĂšve qui, Ă lâissue de la scolaritĂ© obligatoire, nâa pas atteint un niveau de formation sanctionnĂ© par un diplĂŽme national ou un titre professionnel enregistrĂ© et classĂ© au niveau V du rĂ©pertoire national des certifications professionnelles doit pouvoir poursuivre des Ă©tudes afin dâacquĂ©rir ce diplĂŽme ou ce titre. LâĂtat prĂ©voit les moyens nĂ©cessaires, dans lâexercice de ses compĂ©tences, Ă la prolongation de scolaritĂ© qui en dĂ©coule. [...]Tout mineur non Ă©mancipĂ© dispose du droit de poursuivre sa scolaritĂ© au-delĂ de lâĂąge de seize ans. [...] » 19 TA Cergy-Pontoise jugement du 15 novembre 2013, n°1101769. 27Dans un autre type de situation rĂ©sultant, cette fois, du refus dâinscrire Ă lâĂ©cole maternelle un enfant, sous diffĂ©rents prĂ©textes, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, sans se rĂ©fĂ©rer explicitement au droit Ă lâĂ©ducation, rappelle que lâarticle L-113-1 du Code de lâĂ©ducation instaure un droit Ă la scolarisation des enfants ĂągĂ©s de trois ans »19. Dans cette affaire, lâĂąge de lâenfant nâĂ©tait quâun argument parmi dâautres, brandi par la mairie de Levallois-Perret pour Ă©viter de lâadmettre Ă lâĂ©cole maternelle. Lâimportance de lâĂąge, dans ce contexte, nous conduit Ă mettre Ă©galement en Ă©vidence lâabsurditĂ© du traitement de cette situation par la juridiction administrative. En effet, les parents de ce petit garçon, ĂągĂ© de trois ans en 2010, avaient entrepris des dĂ©marches en vue de son inscription dĂšs le mois dâaoĂ»t 2010. AprĂšs avoir essuyĂ© un refus, encouragĂ©s par la Ligue des droits de lâhomme, ils avaient renouvelĂ© leur demande, quelques mois aprĂšs la rentrĂ©e des classes, pour sâentendre rĂ©pondre, cette fois, que le refus Ă©tait justifiĂ© au motif que la commune ne prenait pas dâinscription en cours dâannĂ©e. Soutenus par la HALDE, puis par le DĂ©fenseur des droits qui lui avait succĂ©dĂ©, ils avaient dĂ©posĂ© une premiĂšre requĂȘte en rĂ©fĂ©rĂ© qui avait Ă©tĂ© repoussĂ©e par le tribunal administratif, estimant alors que lâenfant nâayant pas six ans, il nây avait pas urgence Ă statuer. Il est donc remarquable que ce mĂȘme tribunal ait fini par reconnaĂźtre en novembre 2013, que le refus dâinscription pour la rentrĂ©e 2010 Ă©tait condamnable ! 28Saisi dâun grand nombre de refus dâinscription comparables DDD, 2018, le DĂ©fenseur des droits rappelle, on ne peut plus clairement dans son rapport de 2016, que le Code de lâĂ©ducation prĂ©voit que lâinscription Ă lâĂ©cole maternelle est de droit dĂšs lors que les parents en font la demande DĂ©fenseur des droits, 2016a 21-25. Il souligne la confusion frĂ©quente opĂ©rĂ©e par les mairies entre ce droit Ă lâĂ©ducation qui fait naĂźtre Ă leur encontre des obligations et lâobligation scolaire qui incombe aux parents. Les enfants Ă prendre en compte dans un cas ou dans lâautre nâappartiennent pas nĂ©cessairement aux mĂȘmes tranches dâĂąge. Malheureusement, la clartĂ© de ce rapport nâa pas mis fin aux refus dâinscription avant six ans dâenfants de familles Ă©trangĂšres, le plus souvent citoyens europĂ©ens, appartenant Ă la communautĂ© rom. Les titulaires de lâobligation scolaire 29PosĂ©e par lâarticle L-131-1, lâobligation scolaire est Ă©noncĂ©e comme suit Lâinstruction est obligatoire pour les enfants des deux sexes, français et Ă©trangers, entre six ans et seize ans. [...] ». RapprochĂ©e des sources internationales du droit Ă lâĂ©ducation, cette obligation doit ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme un moyen dâassurer aux enfants quâau-delĂ de la libertĂ© reconnue Ă leurs parents ou tuteurs, leur droit Ă lâĂ©ducation sera respectĂ©. Câest bien comme une limite Ă la libertĂ© des parents quâa Ă©tĂ© perçue, par certains, la loi Ferry de 1882, certes essentiellement Ă cause de lâintroduction de la laĂŻcitĂ©. De mĂȘme, les discussions prĂ©alables Ă lâadoption de lâarticle 2 du Protocole additionnel Ă la Convention europĂ©enne des droits de lâHomme, ont-elles de nouveau illustrĂ© ces craintes Travaux prĂ©paratoires, 1967 90-91 et 151. 20 Circulaire NOR INTK1233053C du 26/08/2012. 30Or, depuis quelques annĂ©es, ce principe est essentiellement perçu soit comme un moyen de limiter lâaccĂšs Ă la scolarisation dâenfants dont lâĂąge nâest pas compris dans la tranche six-seize ans, soit comme un moyen de sanctionner certains parents. Si cette seconde approche peut ĂȘtre justifiĂ©e dans une optique de protection de lâenfant Taillefait, 2017 815, elle ne semble pas toujours ĂȘtre empruntĂ©e opportunĂ©ment. Le traitement de la rĂ©clamation collective du Forum EuropĂ©en des Roms et des Gens du Voyage FERV contre la France par le ComitĂ© europĂ©en des droits sociaux illustre bien Ă la fois confusion et rĂ©pression inopportunes. Dans une premiĂšre rĂ©ponse Ă la plainte formĂ©e par le FERV, le gouvernement français se dĂ©fend de la violation du droit Ă lâĂ©ducation dâenfants roms du fait de la multiplication dâĂ©vacuation de campements, en expliquant que les CASNAV coopĂšrent avec diffĂ©rents services afin de lutter contre la non-scolarisation et lâabsentĂ©isme » CEDS, 2018b § 63. Dans le mĂȘme ordre dâidĂ©e, la circulaire ministĂ©rielle du 26 aoĂ»t 2012 relative Ă lâanticipation et Ă lâaccompagnement des opĂ©rations dâĂ©vacuation des campements illicites20 Ă©voque lâobligation scolaire, certes en considĂ©rant que sa mise en Ćuvre repose Ă la fois sur les maires, lâĂtat et les familles. » Cette formulation est regrettable dans la mesure oĂč elle ignore les enfants et jeunes adultes non soumis Ă lâobligation mais destinataires du droit Ă lâĂ©ducation. Il ne sâagit certes que dâune circulaire, mais rĂ©vĂ©latrice, nous semble-t-il, dâune certaine confusion. Il convient de complĂ©ter ces remarques, en soulignant que cette circulaire a Ă©tĂ© prĂ©cisĂ©e par une instruction du gouvernement visant Ă donner une nouvelle impulsion Ă la rĂ©sorption des campements illicites et des bidonvilles qui, elle, considĂšre quâ une attention toute particuliĂšre sera portĂ©e Ă la situation des enfants, au respect de leurs droits et de lâobligation scolaire Ă laquelle ils sont soumis dĂšs 6 ans, quelle que soit leur nationalitĂ©, ainsi quâĂ celle des femmes. La scolarisation des enfants en maternelle, sur demande des parents, doit ĂȘtre facilitĂ©e ». La distinction entre les droits des enfants et lâobligation scolaire pourrait ĂȘtre bienvenue, si la seconde phrase de cet extrait ne venait soulever notre indignation. Lâarticle L-113-1 du Code de lâĂ©ducation reconnaĂźt bien un droit Ă la scolarisation des enfants dĂšs lâĂąge de trois ans. Lâobligation des pouvoirs publics nâest donc pas limitĂ©e Ă la faciliter. Les obligations incombant Ă lâĂtat au titre du droit de tous Ă lâĂ©ducation 21 Le GISTI rĂ©pertorie ces dĂ©cisions sur son site 31Ni la Constitution, ni les traitĂ©s nâont pour vocation de donner une description dĂ©taillĂ©e des obligations incombant Ă lâĂtat et aux pouvoirs publics. Leur contenu est pourtant essentiel pour assurer une garantie effective du droit. La relative raretĂ© de la jurisprudence nationale21 en matiĂšre de non-respect du droit Ă lâĂ©ducation en situation de migration limite essentiellement Ă la soft law â câest-Ă -dire Ă des normes juridiques non contraignantes â, voire Ă des sources non juridiques la connaissance de ces obligations. Il est important de distinguer, dâune part, ce qui relĂšve de la soft law, du droit futur des souhaits de la sociĂ©tĂ© civile ou de revendications politiques, et dâautre part, ce qui appartient au droit positif. Pareille rigueur permet de mieux mesurer lâinfluence potentielle des sources non contraignantes et/ou non juridiques sur lâenrichissement du droit. 32Il est certain que le droit Ă lâĂ©ducation fait naĂźtre pour lâĂtat des obligations positives, y compris lorsque lâon sâarrĂȘte Ă la formulation nĂ©gative de lâarticle 2 du protocole Ă la CEDH Pavageau, 2016 146. Câest ce que mĂȘme la Cour europĂ©enne des droits de lâHomme a reconnu, dĂšs le premier arrĂȘt quâelle a rendu relativement Ă lâarticle 2 du premier protocole Le Rouzic, 2014 45-46. Elle veille, Ă©galement, trĂšs rigoureusement, Ă lâobligation de respecter la libertĂ© des parents, inscrite dans un pluralisme Ă©ducatif, qui incombe aussi aux Ătats Gonzalez, 2010 1008-1010. Concernant les enfants dans des contextes de migration, les obligations mĂ©ritant une attention particuliĂšre sont relatives Ă diffĂ©rents volets de la discrimination. Il sâagit Ă la fois de veiller Ă lutter contre les discriminations, tout en envisageant lâopportunitĂ©, dans certaines hypothĂšses, de discrimination positive. Lâinterdiction des discriminations confrontĂ©e aux migrations et Ă lâextrĂȘme pauvretĂ© 33Si lâinterdiction dâintroduire ou de laisser sâinstaller des discriminations est gĂ©nĂ©rale dans la protection des droits de lâHomme, elle est particuliĂšrement sous surveillance dans le domaine de lâĂ©ducation, comme en atteste lâadoption de la Convention concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de lâenseignement, adoptĂ©e dans le cadre de lâUNESCO, en 1960, ratifiĂ©e par la France en 1961. 34Le droit français en vigueur nâintroduit pas de discrimination dans ce domaine. Cependant on pourra regretter que lâarticle L-131-1 relatif Ă lâobligation scolaire ne mentionne que les enfants français et Ă©trangers, omettant les apatrides, dont raisonnablement nous admettrons quâils nâĂ©chappent ni au champ dâapplication de cet article, ni au bĂ©nĂ©ficie du droit Ă lâĂ©ducation. 22 Sans que cela puisse attĂ©nuer la gravitĂ© des manquements en France, nous pouvons remarquer que la j ... 23 Voir supra lâexemple dâIvan. 35Sans chercher Ă en dresser un sinistre catalogue, on peut aisĂ©ment constater que ces discriminations visent principalement les communautĂ©s roms Pavageau, 2016 14822, mais aussi, plus gĂ©nĂ©ralement, les enfants en situation de grande prĂ©caritĂ©, quâils soient ou non accompagnĂ©s de leur famille. Jamais vraiment explicitement exprimĂ©es de façon officielle, elles se manifestent notamment en dressant des obstacles injustifiĂ©s Ă lâinscription23. Le DĂ©fenseur des droits, dans son rapport consacrĂ© Ă lâĂ©cole, les rĂ©pertorie, en apportant Ă chacun une rĂ©ponse incontestable et claire DĂ©fenseur des droits, 2016a 20-40. Il en va ainsi, des questions liĂ©es Ă lâinscription au niveau des communes qui exigent souvent, complĂštement indument, des conditions liĂ©es au logement, Ă lâĂ©tat des vaccinations, ou qui conditionnent lâinscription aux effectifs des Ă©coles. Faut-il rappeler quâil incombe aux mairies de procĂ©der au recensement des enfants prĂ©sents sur le territoire de leur commune article 131-6 du Code de lâĂ©ducation ? Il est vrai que cette obligation est limitĂ©e aux Ă©lĂšves compris dans la tranche dâĂąge oĂč sâapplique lâobligation scolaire. Mais on voit mal comment elle pourrait coexister avec la possibilitĂ© dâeffectuer un tri des enfants en fonction des conditions de logement. Or câest bien ce Ă quoi se livrent certaines communes DĂ©fenseur des droits, 2016a 27. Non seulement aucun fondement lĂ©gislatif ou rĂ©glementaire ne vient justifier les refus liĂ©s aux conditions de logement, mais un certain nombre de tribunaux administratifs ont eu lâoccasion dâĂ©carter des arguments liĂ©s Ă lâoccupation illĂ©gale dâun terrain par des parents pour refuser une inscription, de mĂȘme que le caractĂšre non pĂ©renne et prĂ©caire dâun hĂ©bergement en rĂ©sidence hĂŽteliĂšre. 36Lâarticle 193 de la loi du 27 janvier 2017 relative Ă lâĂ©galitĂ© et Ă la citoyennetĂ© vient prĂ©ciser que Le statut ou le mode dâhabitat des familles installĂ©es sur le territoire de la commune ne peut ĂȘtre une cause de refus dâinscription dâun enfant soumis Ă lâobligation scolaire ». La derniĂšre prĂ©cision est trĂšs regrettable et, Ă notre avis, juridiquement discutable. 24 TA Versailles 1300665 16 mars 2017, §.11. 25 Ibid. §.10. 26 Ibid. 37Si ces discriminations se traduisent le plus souvent par des obstacles Ă lâinscription, la commune de Ris-Orangis sâest distinguĂ©e, de façon particuliĂšrement nĂ©gative, en 2013, en accueillant, pendant quatre semaines, des enfants roumains dans un gymnase. La dĂ©cision adoptĂ©e par cette commune prĂ©texte la nĂ©cessitĂ© de recueillir les informations nĂ©cessaires Ă lâĂ©laboration de la liste des enfants Ă scolariser, leur Ăąge et leur niveau scolaire, compte tenu des difficultĂ©s rencontrĂ©es pour recueillir leur Ă©tat civil, dâĂ©valuer le niveau des enfants afin de procĂ©der Ă leur inclusion dans les Ă©coles ordinaires de la commune alors que certains dâentre eux ne parlaient pas français et nâavaient jamais Ă©tĂ© scolarisĂ©s »24. Elle a abouti Ă lâaccueil de douze enfants ĂągĂ©s de cinq Ă douze ans, exclusivement de nationalitĂ© roumaine et dâorigine rom, tous issus du mĂȘme campement prĂ©caire situĂ© sur la commune, dans une salle attenante Ă un gymnase municipal, Ă©quipĂ©e en salle de classe, hors de toute enceinte scolaire ; [quâ]ainsi ces enfants Ă©taient tenus Ă lâĂ©cart des autres enfants scolarisĂ©s dans les Ă©coles ou dans les collĂšges de la commune et Ă©taient privĂ©s dâaccĂšs aux services liĂ©s la scolarisation »25 ! Cette situation a donnĂ© lieu, assez tardivement, Ă un jugement du tribunal administratif de Versailles26, deux ans aprĂšs que le DĂ©fenseur des droits a rendu une dĂ©cision de ferme condamnation de cette grave discrimination et alors que le prĂ©fet y avait heureusement mis fin Chassang et al., 2017. 27 CEDH Grde Ch. Orsus et autres c. Croatie, 16 mars 2010. 38Les sĂ©grĂ©gations dâenfants roms dans le cadre scolaire sont dâautant plus mal venues que diffĂ©rents Ătats membres du Conseil de lâEurope se sont dramatiquement illustrĂ©s dans cette voie. La Cour europĂ©enne des droits de lâHomme a Ă©tĂ© saisie, Ă une dizaine de reprises, de cas de violations de lâinterdiction de discriminations pratiquĂ©es en GrĂšce, en Hongrie, en Croatie, en Bulgarie, et en RĂ©publique tchĂšque. Lâun des arrĂȘts quâelle a eu lâoccasion de rendre, dans une affaire mettant en cause la Croatie, est particuliĂšrement riche dâenseignements sur la limite entre discrimination condamnable et discrimination positive27. AdoptĂ© Ă une voix seulement de majoritĂ©, il tĂ©moigne des tensions qui planent autour de ces questions. Il permet dâen Ă©clairer un aspect particulier, celui de savoir si certaines situations sont simplement susceptibles dâautoriser des mesures de discrimination positive ou si elles devraient mĂȘme les rendre obligatoires Dubout, 2010 1006. Les faits en cause Ă©taient relativement complexes, comme le rĂ©sume Ădouard Dubout Tous les enfants Roms nâĂ©taient pas placĂ©s dans des classes sĂ©parĂ©es, de niveau infĂ©rieur, mais seuls des enfants Roms Ă©taient soumis Ă ce traitement particulier » Dubout, 2010 990. La Cour a reconnu des discriminations dâautant plus inacceptables quâelles touchent des personnes particuliĂšrement vulnĂ©rables. Mais elle a ouvert la porte Ă la reconnaissance dâun vĂ©ritable droit Ă la diffĂ©rence dans lâamĂ©nagement de lâaccĂšs Ă lâĂ©ducation » Dubout, 2010 1005. Les amĂ©nagements impliquĂ©s par la non-maĂźtrise de la langue française de nouveaux arrivants 28 Circulaire n° 2012-141 du 02/10/2012. 29 Selon lâarticle 2 de ladite convention On entend par âamĂ©nagement raisonnableâ les modification ... 39En effet, la lutte contre les discriminations dans la rĂ©alisation du droit Ă lâĂ©ducation suppose, parfois, lâadoption de mesures spĂ©cifiques, telles que le prĂ©voit la circulaire du 2 octobre 2012 sur les Ă©lĂšves allophones nouvellement arrivĂ©s28. Lâobservation gĂ©nĂ©rale du ComitĂ© des droits de lâenfant souligne que lâarticle 29 de la Convention des droits de lâenfant repose sur la notion dâĂ©ducation axĂ©e sur lâenfant, Ă savoir que lâobjectif fondamental de lâĂ©ducation est le dĂ©veloppement de la personnalitĂ© individuelle, des dons et des aptitudes et des besoins dâapprentissage qui lui sont propres » ComitĂ© droit de lâenfant, 2001 §.9. Dans la continuitĂ© de cette interprĂ©tation, des Ătats et des organisations internationales sous les auspices de lâUNESCO ont adoptĂ©, en 1994, la DĂ©claration de Salamanque pour lâĂ©ducation et les besoins spĂ©ciaux. Cette DĂ©claration et le programme dâaction qui lâaccompagne sont plus centrĂ©s sur les besoins spĂ©ciaux liĂ©s aux handicaps, mais prennent Ă©galement en compte tous les besoins spĂ©cifiques, notamment linguistiques. Cela Ă©tant, elle prĂŽne une Ă©ducation inclusive. LâimpĂ©ratif dâamĂ©nagement raisonnable introduit par lâarticle 2 de la Convention sur les droits des personnes handicapĂ©es de 200629, frĂ©quemment invoquĂ©e par le DĂ©fenseur des droits, pourrait utilement ĂȘtre transposĂ© et adaptĂ© pour lutter contre les discriminations frappant les enfants migrants allophones. Ainsi, lâarrivĂ©e rĂ©cente dâenfants allophones est susceptible de rendre nĂ©cessaires diffĂ©rentes formes dâamĂ©nagement dans lâorganisation des enseignements afin de concourir Ă lâeffectivitĂ© du droit Ă lâĂ©ducation de tous les Ă©lĂšves. Mais, si lâon est tentĂ© de sâinterroger sur lâobligation qui pourrait alors incomber Ă lâĂtat français de proposer lâinscription dans un dispositif adaptĂ©, tel que les UnitĂ©s pĂ©dagogiques pour Ă©lĂšves allophones arrivants UPE2A, le respect du principe de non-discrimination devrait empĂȘcher quâelle soit imposĂ©e aux intĂ©ressĂ©s Mendonça Dias, 2016. 40Au-delĂ du contenu des enseignements, le CEDS pose la question de la nĂ©cessitĂ© de prendre en compte dâautres facteurs tels que les moyens de transport, lâaccĂšs aux cantines scolaires et les conditions de vie, comme autant dâobstacles Ă lâeffectivitĂ© du droit Ă lâĂ©ducation CEDS, 2018b § 73-74. 41Il convient de remarquer que les organes dâexperts, les autoritĂ©s administratives indĂ©pendantes CNCDH et DĂ©fenseur des droits, la Cour europĂ©enne des droits de lâHomme sâaccordent Ă appeler Ă lâapplication de mesures particuliĂšrement protectrices pour les membres de la communautĂ© rom. Plus gĂ©nĂ©ralement, il apparaĂźt que la question de lâeffectivitĂ© du droit Ă lâĂ©ducation, par le biais de lâanalyse des nombreuses dĂ©faillances encore observables pour toutes les catĂ©gories vulnĂ©rables, rĂ©vĂšle depuis quelques annĂ©es lâĂ©tendue considĂ©rable des obligations Ă©tatiques. La mĂ©diatisation des travaux du CEDS, du DĂ©fenseur des droits et de la CNCDH est indispensable pour renforcer leur impact, notamment en incitant les victimes Ă faire respecter leurs droits, mais aussi en suggĂ©rant un peu plus dâaudace aux juridictions françaises. 30 Appel Ă projets de recherche n°2014-16. 31 Cour europĂ©enne des droits de lâHomme, arrĂȘt du 28 fĂ©vrier 2019, relatif Ă un mineur non accompagnĂ© ... 42Alors que les migrations ne devraient ĂȘtre source dâaucun obstacle juridique au bĂ©nĂ©fice du droit Ă lâĂ©ducation, elles mettent en lumiĂšre un certain nombre de confusions et violations. Autrement dit, les normes sont claires mais leur application, leur interprĂ©tation, ou leur respect laissent encore Ă lâĂ©cart des enfants dĂ©jĂ caractĂ©risĂ©s par une vulnĂ©rabilitĂ© accrue. LâamĂ©lioration de lâeffectivitĂ© de ce droit nĂ©cessite Ă la fois une traque contre les acteurs auteurs de violations de ce droit, mais aussi un Ă©tat des lieux des dispositifs spĂ©cifiques existants. Ă cet Ă©gard, il faut saluer le rĂŽle considĂ©rable jouĂ© par le DĂ©fenseur des droits qui promeut la connaissance du droit Ă lâĂ©ducation, Ă travers le rapport de 2016 consacrĂ© Ă lâĂ©cole DĂ©fenseurs des droits, 2016a, mais aussi en lançant un appel dâoffres de recherche relatif Ă lâĂ©valuation de la scolarisation des Ă©lĂšves allophones nouvellement arrivĂ©s en France EANA et des enfants issus de familles itinĂ©rantes et de voyageurs EFIV »30 et, bien sĂ»r, en rĂ©pondant aux saisines individuelles. On ne manquera pas de relever Ă©galement la pertinence de ses interventions au cours de procĂ©dures internationales et europĂ©ennes, tout derniĂšrement dans lâaffaire Khan contre France, devant la Cour europĂ©enne des droits de lâHomme31. Le rapport sur lâĂ©cole de 2016, mais aussi le rapport de recherches publiĂ© Ă la suite de son appel dâoffres Armagnague et al., 2018 devraient permettre un meilleur respect du droit Ă lâĂ©ducation, en favorisant une connaissance tant des besoins des Ă©lĂšves, que des rĂ©glementations en vigueur. 32 Adolescents sans-logement. Grandir en famille dans une chambre dâhĂŽtel. Rapport dâenquĂȘte, publiĂ© e ... 43Cependant, un certain nombre dâobstacles Ă lâeffectivitĂ© du droit Ă lâĂ©ducation dĂ©coulent de situations dâextrĂȘme pauvretĂ© qui, sans ĂȘtre spĂ©cifiques aux enfants migrants, sont particuliĂšrement frĂ©quentes. Y remĂ©dier impose des politiques sociales qui dĂ©passent de loin le pĂ©rimĂštre scolaire comme en tĂ©moignent, par exemple, les rĂ©sultats dâune rĂ©cente enquĂȘte de lâObservatoire du SAMU social de Paris 32SAMU social, 2019. Haut de page Bibliographie Articles et ouvrages Chassang CĂ©line, Domenach Jacqueline, Dumortier Thomas, Langlais Claire, Roccati Marjolaine, Sweeney Morgan et Touillier Marc 2018 Chronique du droit des discriminations octobre 2016-mars 2017, La Revue des droits de lâHomme, [en ligne]. URL DebĂšne Marc 1998 Du droit Ă lâĂ©ducation Ă lâĂ©ducation au droit. Les droits des Ă©lĂšves, in Raymond Goy, Du droit interne au droit international le facteur religieux et lâexigence des droits de lâHomme. MĂ©langes Raymond Goy, Rouen, Publications de lâUniversitĂ© de Rouen, pp. 63-83. Dubout Ădouard 2010 La Cour europĂ©enne des droits de lâHomme et la justice sociale. 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Conseil de lâEurope 1967 Travaux prĂ©paratoires de lâarticle 2 du protocole additionnel Ă la Convention europĂ©enne des droits de lâHomme. Cour europĂ©enne des droits de lâHomme 2018 Guide sur lâarticle 2 du Protocole 1. Droit Ă lâinstruction. DĂ©fenseur des droits 2018 DĂ©cision du DĂ©fenseur des droits, 2018-005. DĂ©fenseur des droits 2016a Droit fondamental Ă lâĂ©ducation une Ă©cole pour tous, un droit pour chacun, 152 p. DĂ©fenseur des droits 2016b DĂ©mantĂšlement des campements et prise en charge des exilĂ©s. Calais-Stalingrad Paris, Rapport dâobservation, 80 p. IGEN 2015 Grande pauvretĂ© et rĂ©ussite scolaire le choix de la solidaritĂ© pour la rĂ©ussite de tous, 223 p. Ligue des droits de lâHomme 2018 Vade-Mecum. LâaccĂšs Ă la scolarisation Cadre lĂ©gal, dysfonctionnements et moyens dâaction, [en ligne], consultĂ© le 22/07/2018. URL Rapporteur spĂ©cial sur le droit Ă lâĂ©ducation 2013 Rapport sur la justiciabilitĂ© du droit Ă lâĂ©ducation, [en ligne]. .URL SAMU social de Paris 2019 Adolescents sans-logement. Grandir en famille dans une chambre dâhĂŽtel. Rapport dâenquĂȘte, [en ligne] URL Principales dĂ©cisions du ComitĂ© europĂ©en des droits sociaux citĂ©es ComitĂ© europĂ©en des droits sociaux CEDS 2018a Forum europĂ©en des Roms et des Gens du Voyage FERV contre France, 119/2015, MĂ©moire du gouvernement sur le bien-fondĂ© et DĂ©cision sur le bien-fondĂ©. ComitĂ© europĂ©en des droits sociaux CEDS 2018b EUROCEF contre France, 114/2015, DĂ©cision sur le bien-fondĂ©. ComitĂ© europĂ©en des droits sociaux CEDS 2013 MĂ©decins du monde contre France, 67/211, DĂ©cision sur le bien-fondĂ©. Haut de page Notes 1 Je souhaite la fin de la scolarisation automatique et gratuite pour les enfants de clandestins. Et pour les Ă©trangers en situation rĂ©guliĂšre, il me semble normal que lâaccĂšs Ă la gratuitĂ© de lâĂ©cole ne soit autorisĂ© quâaprĂšs un dĂ©lai de carence, au cours duquel, sâils travaillent, ils auront cotisĂ© » dĂ©claration de Marine Le Pen, [en ligne], consultĂ© le 15/07/2018. URL 2 Voir infra. 3 TA Poitiers Ordonnance du 12 juillet 2016, n°1601537. 4 TA Cergy-Pontoise, jugement du 15 novembre 2013, n°1101769. 5 CE 8 avril 2009, n°311434, M. et Mme A. 6 Ă titre dâexemple, Article L111-1 Le droit Ă lâĂ©ducation est garanti Ă chacun afin de lui permettre de dĂ©velopper sa personnalitĂ©, dâĂ©lever son niveau de formation initiale et continue, de sâinsĂ©rer dans la vie sociale et professionnelle, dâexercer sa citoyennetĂ©. Article R131-1 Afin de garantir aux enfants soumis Ă lâobligation scolaire le respect du droit Ă lâinstruction, les modalitĂ©s de contrĂŽle de lâobligation, de la frĂ©quentation et de lâassiduitĂ© scolaires sont dĂ©finies par les articles R. 131-2 Ă R. 131-9, R. 131-17 et R. 131-18. Article L131-1 Lâinstruction est obligatoire pour les enfants des deux sexes, français et Ă©trangers, entre six ans et seize ans. 7 TA Poitiers 2016 Ă©gal accĂšs Ă lâinstruction », ou CE 2009 le droit Ă lâĂ©ducation est garanti Ă chacun ». 8 Notons que non seulement RenĂ© Cassin Ă©tait professeur de droit, mais quâil fut Ă©galement Commissaire Ă la justice et Ă lâinstruction publique au sein du ComitĂ© national français de 1941 Ă 1943 et, peut-ĂȘtre surtout prĂ©sident de lâAlliance IsraĂ©lite Universelle AIU de 1943 Ă son dĂ©cĂšs en 1976. Or lâune des activitĂ©s essentielles de cette association a Ă©tĂ©, et est toujours, lâanimation dâun rĂ©seau dâĂ©coles francophones. 9 Article 21 â LibertĂ© dâenseignement dans le plan adoptĂ© le 9 juin 1947. Article 35 du projet prĂ©sentĂ© le 20 juin 1947 par la dĂ©lĂ©gation française commençait par Tout ĂȘtre humain a vocation au savoir et droit Ă lâinstruction ». 10 Circulaire n°2017-060 du 03/04/2017. 11 Directive du 25 juillet 1977 visant Ă la scolarisation des enfants des travailleurs migrants 77/486/CEE. 12 13 CE, 24 janvier 1996, n°153746 Lusilavana. 14 CEDS Autisme Europe c. France, DĂ©cision sur le bien-fondĂ© du 4 novembre 2003, §.53. 15 CE 8 avril 2009, n°311434, M. et Mme A. 16 Le PrĂ©sident Macron a annoncĂ© dans un discours du 27 mars 2018 que lâĂąge du dĂ©but de lâobligation scolaire serait abaissĂ© Ă trois ans, dĂšs la rentrĂ©e 2019. Le Plan pauvretĂ©, prĂ©sentĂ© en septembre 2018 reprend cette hypothĂšse et ajoute celle dâune obligation de formation jusquâĂ dix-huit ans. Cette mesure fait lâobjet de lâarticle 2 du projet de loi pour une Ă©cole de la confiance adoptĂ© en premiĂšre lecture le 19 fĂ©vrier 2019 par lâAssemblĂ©e nationale. 17 Code de justice administrative, 18 Circulaire interministĂ©rielle du 25 janvier 2016 relative Ă la mobilisation des services de lâĂtat auprĂšs des conseils dĂ©partementaux concernant les mineurs privĂ©s temporairement ou dĂ©finitivement de la protection de leur famille et les personnes se prĂ©sentant comme tels, n° JUSF1602101C. 19 TA Cergy-Pontoise jugement du 15 novembre 2013, n°1101769. 20 Circulaire NOR INTK1233053C du 26/08/2012. 21 Le GISTI rĂ©pertorie ces dĂ©cisions sur son site 22 Sans que cela puisse attĂ©nuer la gravitĂ© des manquements en France, nous pouvons remarquer que la jurisprudence de la Cour europĂ©enne des droits de lâHomme sur cette question est nourrie par des requĂȘtes visant uniquement dâautres Ătats. 23 Voir supra lâexemple dâIvan. 24 TA Versailles 1300665 16 mars 2017, §.11. 25 Ibid. §.10. 26 Ibid. 27 CEDH Grde Ch. Orsus et autres c. Croatie, 16 mars 2010. 28 Circulaire n° 2012-141 du 02/10/2012. 29 Selon lâarticle 2 de ladite convention On entend par âamĂ©nagement raisonnableâ les modifications et ajustements nĂ©cessaires et appropriĂ©s nâimposant pas de charge disproportionnĂ©e ou indue apportĂ©s, en fonction des besoins dans une situation donnĂ©e, pour assurer aux personnes handicapĂ©es la jouissance ou lâexercice, sur la base de lâĂ©galitĂ© avec les autres, de tous les droits de lâhomme et de toutes les libertĂ©s fondamentales [...] ». 30 Appel Ă projets de recherche n°2014-16. 31 Cour europĂ©enne des droits de lâHomme, arrĂȘt du 28 fĂ©vrier 2019, relatif Ă un mineur non accompagnĂ© restĂ© sans prise en charge dans la Jungle de Calais. 32 Adolescents sans-logement. Grandir en famille dans une chambre dâhĂŽtel. Rapport dâenquĂȘte, publiĂ© en fĂ©vrier 2019, [en ligne], URL de page Pour citer cet article RĂ©fĂ©rence papier Marie Françoise Valette, Le droit Ă lâĂ©ducation Ă lâĂ©preuve des migrations en France », Revue europĂ©enne des migrations internationales, vol. 34 - n°4 2018, 73-92. RĂ©fĂ©rence Ă©lectronique Marie Françoise Valette, Le droit Ă lâĂ©ducation Ă lâĂ©preuve des migrations en France », Revue europĂ©enne des migrations internationales [En ligne], vol. 34 - n°4 2018, mis en ligne le 01 janvier 2021, consultĂ© le 18 aoĂ»t 2022. URL ; DOI de page Droits dâauteur Tous droits rĂ©servĂ©sHaut de page
Larticle 7 de cette mĂȘme loi modifie l'article 81 bis du code gĂ©nĂ©ral des impĂŽts (CGI) afin d'exonĂ©rer d'impĂŽt les gratifications des stagiaires mentionnĂ©es Ă l'article L. 124-6 du code de l'Ă©ducation dans la limite, par an et par contribuable, du montant annuel du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC).
Aux termes de lâarticle 1242, al. 4 du Code civil le pĂšre et la mĂšre, en tant quâils exercent lâautoritĂ© parentale, sont solidairement responsables du dommage causĂ© par leurs enfants mineurs habitant avec eux ». ==> Situation en 1804 Lors de lâĂ©laboration du Code civil ses rĂ©dacteurs ont envisagĂ© la responsabilitĂ© des parents comme la contrepartie de lâautoritĂ© dont ils sont investis par la loi sur leurs enfants. Le souci dâindemnisation des victimes a nĂ©anmoins conduit la jurisprudence Ă considĂ©rablement Ă©voluer, ce qui sâest traduit par la rĂ©alisation dâun double mouvement dâobjectivation de la responsabilitĂ© qui a affectĂ©, tant les conditions gĂ©nĂ©riques de la responsabilitĂ© parentale que ses conditions spĂ©cifiques. I Les conditions gĂ©nĂ©riques de la responsabilitĂ© civile Pour rappel, la mise en Ćuvre de la responsabilitĂ© civile suppose, quel que soit le fondement envisagĂ©, la rĂ©union de conditions cumulatives Lâexistence dâun dommage La caractĂ©risation dâun fait gĂ©nĂ©rateur LâĂ©tablissement dâun lien de causalitĂ© entre le dommage et le fait gĂ©nĂ©rateur Tandis que le dommage et le lien de causalitĂ© sont les deux constantes de la responsabilitĂ© civile qui font lâobjet dâune Ă©tude sĂ©parĂ©e, le fait gĂ©nĂ©rateur en constitue la variable. La responsabilitĂ© du dĂ©biteur de lâobligation de rĂ©paration peut, en effet, avoir pour fait gĂ©nĂ©rateur Le fait personnel de lâauteur du dommage Le fait dâune chose que le responsable avait sous sa garde Le fait dâune tierce personne sur laquelle le responsable exerçait un pouvoir ==> La singularitĂ© de la condition tenant au fait gĂ©nĂ©rateur La responsabilitĂ© des parents du fait de leurs enfants correspond Ă la troisiĂšme hypothĂšse qui, contrairement Ă ce que lâon pourrait ĂȘtre tentĂ© de penser, est loin dâaller de soi, dans la mesure oĂč, par principe, on ne saurait ĂȘtre responsable que de son propre fait et non du fait dâautrui. DâoĂč le refus, en 1804, des rĂ©dacteurs des Code civil et, pendant prĂšs de deux siĂšcles, de la jurisprudence de reconnaĂźtre des cas de responsabilitĂ© du fait dâautrui en dehors de ceux exhaustivement prĂ©vus par le Code civil. Aussi, la responsabilitĂ© des parents du fait de leurs enfants constitue lâun des trois cas particuliers de responsabilitĂ© du fait dâautrui reconnus par le lĂ©gislateur en 1804. Qui plus est, elle est lâexemple typique dâune responsabilitĂ© qui, selon les auteurs, est parvenue Ă maturitĂ© en ce sens que le mouvement dâobjectivation dont elle a fait lâobjet est aujourdâhui achevĂ©. Cela se vĂ©rifie, en particulier, avec son fait gĂ©nĂ©rateur dont la caractĂ©risation est dĂ©sormais dĂ©barrassĂ©e de lâexigence de faute. ==> Exigence dâune double faute Il peut, en effet, ĂȘtre observĂ© que, en 1804, la mise en Ćuvre de la responsabilitĂ© des parents du fait de leurs enfants supposait lâĂ©tablissement dâune double faute La faute de lâenfant La faute des parents Ainsi, la faute constituait-elle le fondement de la responsabilitĂ© parentale. Le systĂšme mis en place par le lĂ©gislateur reposait sur lâidĂ©e que, si lâenfant avait causĂ© en dommage, câest que les parents avaient commis, soit une faute de surveillance, soit une faute dâĂ©ducation, de sorte que cela justifiait quâils engagent leur responsabilitĂ©. Dans un arrĂȘt du 13 juin 1968, la Cour de cassation a, par exemple, affirmĂ© en ce sens que la responsabilitĂ© du pĂšre Ă raison du dommage cause par son enfant mineur habitant avec lui dĂ©coule de ses obligations de surveillance et de direction sur la personne de ce dernier ». Ainsi, une prĂ©somption de faute pesait sur les parents dont lâenfant Ă©tait Ă lâorigine dâun fait dommageable fautif. Il sâagissait toutefois dâune prĂ©somption simple de sorte quâelle pouvait ĂȘtre Ă©cartĂ©e, comme lâa indiquĂ© la Cour de cassation dĂšs quâil est Ă©tabli que, tant au point de vue de lâĂ©ducation que de la surveillance, le pĂšre sâest comportĂ© comme une personne prudente et nâa pu, ainsi, empĂȘcher lâacte dommageable » Cass. 2e civ. 13 juin 1968. ==> Les inconvĂ©nients liĂ©s Ă lâexigence de faute Ce systĂšme qui reposait sur la faute nâĂ©tait pas sans inconvĂ©nients, dans la mesure oĂč la victime Ă©tait confrontĂ©e Ă une double difficultĂ© La premiĂšre difficultĂ© rĂ©sultait de lâimpossibilitĂ© dâĂ©tablir une faute Ă lâencontre de lâenfant privĂ© de discernement Cela supposait, en effet, que la victime dĂ©montre quâune faute lui Ă©tait imputable, soit quâil avait conscience de ses actes. Or lâexigence dâimputabilitĂ© de la faute Ă lâauteur du dommage a dĂ©finitivement Ă©tĂ© abandonnĂ©e par la Cour de cassation dans les arrĂȘts Derguini et Lemaire rendus le 9 mai 1984 ass. plĂ©n., 9 mai 1984. La seconde difficultĂ© rĂ©sultait de la possibilitĂ© pour les parents de sâexonĂ©rer de leur responsabilitĂ© en prouvant quâil nâavait commis aucune faute de surveillance ou dâĂ©ducation. Aussi, lâaddition de ces deux difficultĂ©s auxquelles Ă©tait confrontĂ©e la victime avait-elle pour consĂ©quence de priver dâefficacitĂ© le principe de responsabilitĂ© des parents du fait de leurs enfants. AnimĂ©e par un souci dâamĂ©lioration du sort des victimes, la jurisprudence a, dĂšs lors, Ă©tĂ© contrainte, afin de poursuivre son objectif dâobjectivation de la responsabilitĂ© parentale, de rĂ©pondre successivement Ă deux questions La mise en Ćuvre de la responsabilitĂ© parentale est-elle subordonnĂ©e Ă lâĂ©tablissement dâune faute de lâenfant ? Les parents de lâenfant ayant causĂ© un dommage peuvent-ils sâexonĂ©rer de leur responsabilitĂ© en rapportant la preuve quâils nâont commis aucune faute de surveillance ou dâĂ©ducation ? A Lâabandon de lâexigence de faute Dans un arrĂȘt Fullenwarth rendu le 9 mai 1984 par lâassemblĂ©e plĂ©niĂšre, soit en mĂȘme temps que les arrĂȘts Derguini, Lemaire et Gabillet, la Cour de cassation a, pour la premiĂšre fois, admis le simple fait causal comme fait gĂ©nĂ©rateur de la responsabilitĂ© parentale Cass. ass. plĂ©n., 9 mai 1984 Ă partir de lâarrĂȘt Fullenwarth, la Cour de cassation dĂ©cide quâil nâest plus besoin que le fait de lâenfant Ă lâorigine du dommage soit fautif. ==> Faits Un garçonnet, ĂągĂ© de 7 ans, dĂ©coche une flĂšche avec un arc quâil avait confectionnĂ© en direction de son camarade et lâĂ©borgne Les parents de la victime engagent la responsabilitĂ© des parents de lâauteur du dommage ==> ProcĂ©dure Par un arrĂȘt du 25 septembre 1979, la Cour dâappel de Metz condamne les parents de lâauteur du dommage Ă indemniser la victime. ==> Moyens Les dĂ©fendeurs invoquent le manque de discernement de leur enfant qui nâĂ©tait ĂągĂ© que de 7 ans au moment des faits. ==> Solution Par un arrĂȘt du 9 mai 1984, la Cour de cassation rejette le pourvoi formĂ© par les parents de lâauteur du dommage. LâassemblĂ©e plĂ©niĂšre estime que pour que soit prĂ©sumĂ©e, sur le fondement de lâarticle 1384 alinĂ©a 4 du Code civil, la responsabilitĂ© des pĂšre et mĂšre dâun mineur habitant avec eux, il suffit que celui-ci ait commis un acte qui soit la cause directe du dommage invoquĂ© par la victime» Ainsi, la Cour de cassation dĂ©cide-t-elle que le simple fait causal de lâenfant est susceptible dâengager la responsabilitĂ© de ses parents. ==> Analyse de lâarrĂȘt Tout dâabord, il peut ĂȘtre observĂ© que dans lâarrĂȘt Fullenwarth la Cour de cassation va, manifestement, bien plus loin que dans les arrĂȘts Derguini et Lemaire rendus Ă la mĂȘme date Dans les arrĂȘts Derguini et Lemaire La Cour de cassation abandonne seulement lâexigence dâimputabilitĂ© de la faute. Aussi, cela lui permet-il de retenir une faute Ă lâencontre de lâenfant en bas Ăąge, quand bien mĂȘme il est privĂ© de discernement La Cour de cassation considĂšre cependant toujours lâĂ©tablissement de cette faute en matiĂšre de responsabilitĂ© du fait personnel, mĂȘme si, depuis ces deux dĂ©cisions, elle est dĂ©barrassĂ©e de son Ă©lĂ©ment moral. Dans lâarrĂȘt Fullenwarth LâassemblĂ©e plĂ©niĂšre considĂšre quâil suffit que lâenfant ait commis un acte qui soit la cause directe du dommage » pour que la responsabilitĂ© de ses parents soit engagĂ©e. Autrement dit, peu importe que lâenfant ait ou non commis une faute seule compte lâexistence dâun dommage rattachable Ă lâenfant. Dans lâarrĂȘt Fullenwarth, la Cour de cassation se contente donc du simple fait causal â non fautif â comme fait gĂ©nĂ©rateur Ă la diffĂ©rence des arrĂȘts Derguini et Lemaire oĂč la faute â objective â est toujours exigĂ©e. Si lâon rĂ©sume En matiĂšre de responsabilitĂ© du fait personnel, la Cour de cassation exige que le fait gĂ©nĂ©rateur consiste en une faute pour que la responsabilitĂ© de lâauteur du dommage soit engagĂ©e En matiĂšre de responsabilitĂ© parentale, la Cour de cassation nâexige pas que lâenfant ait commis une faute, le simple fait causal suffit Ă engager la responsabilitĂ© de ses parents Au total, la responsabilitĂ© des parents du fait de leurs enfants est une responsabilitĂ© sans faute. Ă noter quâil convient de ne pas confondre La responsabilitĂ© parentale oĂč aucune faute de lâenfant nâest exigĂ©e pour que la responsabilitĂ© de ses parents soit engagĂ©e Le fondement de cette responsabilitĂ© rĂ©side Ă 1242 al. 4 La responsabilitĂ© du fait personnel de lâenfant oĂč une faute est toujours exigĂ©e, bien quâil sâagisse dâune faute dĂ©pourvue dâĂ©lĂ©ment moral en raison de lâabandon de lâexigence dâimputabilitĂ© Le fondement de cette responsabilitĂ© rĂ©side aux articles 1240 et 1241 ==> PortĂ©e de lâarrĂȘt Fullenwarth Ă la suite de lâarrĂȘt Fullenwarth la solution dĂ©gagĂ©e par la Cour de cassation a Ă©tĂ© trĂšs discutĂ©e par la doctrine, certains auteurs estimant quâen abandonnant lâexigence de la faute, cela pouvait conduire Ă des situations absurdes. Exemple Quid de la responsabilitĂ© des parents dans lâhypothĂšse oĂč un enfant transmet la grippe Ă ses camarades ? Dans la mesure oĂč le simple fait causal suffit Ă engager la responsabilitĂ© parentale, les parents de lâenfant malade devaient, en thĂ©orie, ĂȘtre tenus dâindemniser les personnes contaminĂ©es ? ImmĂ©diatement, on voit alors surgir de nombreuses difficultĂ©s pratiques, notamment liĂ©es Ă lâĂ©tablissement de la causalitĂ©. MalgrĂ© les situations absurdes auxquelles la position adoptĂ©e par la Cour de cassation dans lâarrĂȘt Fullenwarth Ă©tait susceptible de conduire, elle a rĂ©affirmĂ© sa solution dans un arrĂȘt Levert du 10 mai 2001, oĂč elle dĂ©cide que la responsabilitĂ© de plein droit encourue par les pĂšre et mĂšre du fait des dommages causĂ©s par leur enfant mineur habitant avec eux nâest pas subordonnĂ©e Ă lâexistence dâune faute de lâenfant » Cass. 2e civ., 10 mai 2001. De nouveau rĂ©unie en assemblĂ©e plĂ©niĂšre, la Cour de cassation va asseoir un peu plus sa position dans deux arrĂȘts rendus le 13 dĂ©cembre 2002 Cass. ass. plĂ©n., 13 dĂ©c. 2002 en dĂ©cidant que pour que la responsabilitĂ© de plein droit des pĂšre et mĂšre exerçant lâautoritĂ© parentale sur un mineur habitant avec eux puisse ĂȘtre recherchĂ©e, il suffit que le dommage invoquĂ© par la victime ait Ă©tĂ© directement causĂ© par le fait, mĂȘme non fautif, du mineur ; que seule la cause Ă©trangĂšre ou la faute de la victime peut exonĂ©rer les pĂšre et mĂšre de cette responsabilitĂ© » Lâabandon de lâexigence de faute de lâenfant par la Cour de cassation ne fait dĂ©sormais plus aucun doute le simple fait causal suffit Ă engager la responsabilitĂ© parentale. B La reconnaissance dâune responsabilitĂ© de plein droit AprĂšs que lâarrĂȘt Fullenwarth a Ă©tĂ© rendu, indĂ©pendamment de la question de savoir si la Cour de cassation avait dĂ©finitivement abandonnĂ© lâexigence de la faute, les auteurs se sont interrogĂ©s sur un autre point la nature de la responsabilitĂ© parentale. En effet, dans la mesure oĂč le systĂšme mis en place reposait sur une prĂ©somption â simple â de faute, est-ce Ă dire que les parents pouvaient sâexonĂ©rer de leur responsabilitĂ© en prouvant quâils nâavaient commis aucune faute de surveillance ou dâĂ©ducation ? Telle est la question qui Ă©tait posĂ©e Ă la Cour de cassation dans le cĂ©lĂšbre arrĂȘt Bertrand rendu par la deuxiĂšme chambre civile en date du 19 fĂ©vrier 1997 Cass. 2e civ., 19 fĂ©vr. 1997. ==> Faits Collision entre un enfant qui faisait du vĂ©lo et un conducteur de mobylette Ce dernier engage la responsabilitĂ© des parents en raison du dommage causĂ© par leur enfant ==> ProcĂ©dure Par un arrĂȘt du 4 octobre 1994, la Cour dâappel de Bordeaux retient la responsabilitĂ© du pĂšre de lâauteur du dommage Les juges du fond estiment que celui-ci ne pouvait pas sâexonĂ©rer de sa responsabilitĂ© en prouvant quâil nâavait commis aucune faute. ==> Moyens Le pĂšre de lâauteur du dommage soutient que la prĂ©somption de faute qui pĂšse sur lui peut ĂȘtre combattue, de sorte quâil peut sâexonĂ©rer de sa responsabilitĂ© en rapportant la preuve quâil nâa commis aucune faute de surveillance ou dâĂ©ducation de son enfant. ==> Solution Par un arrĂȘt du 19 fĂ©vrier 1997, la Cour de cassation rejette le pourvoi formĂ© par le pĂšre de lâauteur du dommage. La deuxiĂšme chambre civile considĂšre que seule la force majeure ou la faute de la victime pouvait exonĂ©rer [le dĂ©fendeur] de la responsabilitĂ© de plein droit encourue du fait des dommages causĂ©s par son fils mineur habitant avec lui» ==> Analyse de lâarrĂȘt LâarrĂȘt Bertrand constitue, sans aucun doute, un revirement de jurisprudence dans la mesure oĂč antĂ©rieurement, les parents de lâauteur du dommage Ă©taient fondĂ©s Ă sâexonĂ©rer de leur responsabilitĂ© Soit en prouvant quâil nâavait commis aucune faute dâĂ©ducation Soit en prouvant quâil nâavait commis aucune faute de surveillance Dans lâarrĂȘt Bertrand, la Cour de cassation estime que la preuve de lâabsence de faute est inopĂ©rante. Autrement dit, pour la haute juridiction, les parents ne peuvent pas sâexonĂ©rer de leur responsabilitĂ© quâen rapportant la preuve dâun cas de force majeure dâune faute de la victime Ainsi, la haute juridiction fait de la responsabilitĂ© parentale une responsabilitĂ© de plein droit en ce sens que pĂšse sur les parents, non plus une prĂ©somption de faute, mais une prĂ©somption de responsabilitĂ©. ==> Articulation de lâarrĂȘt Bertrand avec la jurisprudence Fullenwarth Il peut ĂȘtre observĂ© que la solution retenue dans lâarrĂȘt Bertrand sâinscrit dans le droit fil de la jurisprudence Fullenwarth. Dans lâarrĂȘt Fullenwarth, la Cour de cassation abandonne lâexigence de faute de lâenfant Le simple fait causal suffit Ă engager la responsabilitĂ© des parents du fait de leurs enfants Dans lâarrĂȘt Bertrand, la Cour de cassation abandonne la prĂ©somption de faute Les parents ne peuvent plus sâexonĂ©rer de leur responsabilitĂ© en prouvant quâils nâont pas commis de faute Si, dans lâarrĂȘt Bertrand, la deuxiĂšme chambre civile ne sâĂ©tait pas prononcĂ©e en ce sens, sa position aurait grandement manquĂ© de cohĂ©rence. En effet, comment concilier une approche purement causale de la responsabilitĂ© parentale et continuer Ă se fonder sur la notion de faute prĂ©sumĂ©e ? Autrement dit, comment lâĂ©tablissement de la bonne Ă©ducation ou dâune surveillance diligente pourrait-il exonĂ©rer les parents de leur responsabilitĂ© alors mĂȘme que lâon nâexige pas que le comportement de lâenfant soit fautif ? Cela nâaurait pas grand sens. Ainsi, dĂšs lors que lâon admet que le simple fait causal de lâenfant suffit Ă engager la responsabilitĂ© parentale, il est parfaitement logique de priver les parents de la possibilitĂ© de sâexonĂ©rer en prouvant quâils nâont commis aucune faute. ==> Confirmation de lâarrĂȘt Bertrand La Cour de cassation a eu lâoccasion de confirmer Ă plusieurs reprises la solution adoptĂ©e dans lâarrĂȘt Bertrand. Ainsi, dans lâarrĂȘt Levert du 10 mai 2001 a-t-elle rĂ©affirmĂ© que la responsabilitĂ© des parents du fait de leurs enfants Ă©tait une responsabilitĂ© de plein droit Cass. 2e civ., 10 mai 2001. Dans les arrĂȘts dâassemblĂ©e plĂ©niĂšre du 13 dĂ©cembre 2002, elle prĂ©cise que seule la force majeure ou la faute de la victime peut exonĂ©rer les pĂšre et mĂšre de [leur] responsabilitĂ© ». II Les conditions spĂ©cifiques Ă la responsabilitĂ© des parents du fait de leurs enfants Pour que des parents soient susceptibles de rĂ©pondre des faits dommageables causĂ©s par leur enfant mineur ils doivent endosser la qualitĂ© de gardien, ce qui suppose dâune part, que leur enfant soit mineur dâautre part, quâils exercent lâautoritĂ© parentale enfin, quâils cohabitent avec leur enfant A La minoritĂ© de lâenfant La mise en Ćuvre de la responsabilitĂ© parentale est subordonnĂ©e Ă la minoritĂ© de lâenfant, Ă dĂ©faut de quoi la responsabilitĂ© des parents ne saurait ĂȘtre recherchĂ©e sur le fondement de lâarticle 1242, al. 4. La victime du dommage causĂ© par une personne majeure pourrait Ă©ventuellement envisager dâagir en rĂ©paration contre ses parents sur le fondement de lâarticle 1242, al. 1er du Code civil. Toutefois, comme lâa affirmĂ© la Cour de cassation dans lâarrĂȘt Blieck, cela suppose dâĂ©tablir que les parents exerçaient sur leur enfant majeur un pouvoir juridique tutelle, de sorte quâils assuraient lâorganisation et le contrĂŽle de son mode de vie Cass. ass. plĂ©n., 29 mars 1991 B Lâexercice de lâautoritĂ© parentale La condition tenant Ă lâautoritĂ© parentale ne soulĂšve pas de difficultĂ© particuliĂšre. Aussi, lâautoritĂ© parentale est-elle confĂ©rĂ©e aux parents Soit par lâeffet de la loi Lâarticle 371-1 du Code civil dispose en ce sens que elle appartient aux parents jusquâĂ la majoritĂ© ou lâĂ©mancipation de lâenfant pour le protĂ©ger dans sa sĂ©curitĂ©, sa santĂ© et sa moralitĂ©, pour assurer son Ă©ducation et permettre son dĂ©veloppement, dans le respect dĂ» Ă sa personne» Soir par dĂ©cision de justice Lâarticle 373-2-1 prĂ©voit par exemple que si lâintĂ©rĂȘt de lâenfant le commande, le juge peut confier lâexercice de lâautoritĂ© parentale Ă lâun des deux parents. » C La cohabitation Pour mĂ©moire, aux termes de lâarticle 1242, al. 4 du Code civil le pĂšre et la mĂšre, en tant quâils exercent lâautoritĂ© parentale, sont solidairement responsables du dommage causĂ© par leurs enfants mineurs habitant avec eux ». Il rĂ©sulte de cette disposition que la responsabilitĂ© ne saurait ĂȘtre mise en Ćuvre sâil nâest pas Ă©tabli que lâauteur du dommage cohabitait avec ses parents. Que doit-on entendre par cohabitation ? Cette question a, manifestement, Ă©tĂ© Ă lâorigine dâun abandon contentieux judiciaire. La notion de cohabitation Lâexigence de cohabitation posĂ©e par lâarticle 1242, al. 4 est susceptible de conduire Ă lâadoption de deux conceptions radicalement opposĂ©es Une conception concrĂšte Selon cette conception, il est nĂ©cessaire que lâenfant habite effectivement avec ses parents au moment du dommage Il en rĂ©sulte que dĂšs lors quâil ne sĂ©journait pas chez eux, la responsabilitĂ© de ses parents ne saurait ĂȘtre engagĂ©e Cette conception est hĂ©ritĂ©e de lâĂ©poque oĂč lâon raisonnait encore en termes de prĂ©somption de faute des parents. On estimait, en effet, que si lâenfant a commis un dommage, câest parce quâil a Ă©tĂ© mal Ă©duquĂ© ou surveillĂ©. Si dĂšs lors, lâenfant nâhabitait pas avec ses parents lors de la commission du fait dommageable, on ne saurait leur reprocher aucune faute et donc engager la responsabilitĂ© Une conception abstraite Selon cette conception, il nâest pas nĂ©cessaire que lâenfant habite effectivement avec ses parents au moment du dommage pour que la responsabilitĂ© de ses derniers soit susceptible dâĂȘtre engagĂ©e. ConsĂ©quemment, il suffit que lâenfant ait sa rĂ©sidence habituelle chez ses parents pour que leur responsabilitĂ© puisse ĂȘtre recherchĂ©e, peu importe quâil rĂ©side effectivement avec eux Câest donc la rĂ©sidence de droit â abstraite â qui prime sur la rĂ©sidence de fait â concrĂšte. Aussi, cette conception sâinscrit dans le droit fil du mouvement dâobjectivation de la responsabilitĂ© parentale, lequel est guidĂ© par une volontĂ© dâĂ©mancipation du fondement de la faute. Or contrairement Ă la conception concrĂšte de la cohabitation qui en est traduction, la conception matĂ©rielle est conforme Ă lâobjectif dâamĂ©lioration du sort des victimes. 2. La position de la jurisprudence Plusieurs Ă©tapes ont marquĂ© lâĂ©volution de la position de la jurisprudence sâagissant de lâexigence de cohabitation ==> PremiĂšre Ă©tape lâadhĂ©sion Ă la conception concrĂšte Principe Dans un premier temps, la Cour de cassation a portĂ© son choix sur la conception concrĂšte de la cohabitation. Dans un arrĂȘt du 24 avril 1989 elle a estimĂ© en ce sens que la prĂ©somption lĂ©gale de responsabilitĂ© du pĂšre et de la mĂšre cesse avec la cohabitation» 2e civ., 24 avr. 1989. La haute juridiction considĂšre que dĂšs lors que lâenfant ne rĂ©side pas, effectivement, avec ses parents, leur responsabilitĂ© ne peut pas ĂȘtre engagĂ©e. Autrement dit, lâenfant est rĂ©putĂ© ne pas cohabiter avec ses parents, au sens de lâarticle 1242, alinĂ©a 4 du Code civil, toutes les fois que ces derniers ne sont pas en mesure dâexercer leur mission dâĂ©ducation et de surveillance. Toute action diligentĂ©e Ă leur encontre Ă©tait dĂšs lors vouĂ©e Ă lâĂ©chec lorsque lâenfant, Ă©chappant Ă leur surveillance immĂ©diate, Ă©tait confiĂ©, fĂ»t-ce temporairement et Ă titre bĂ©nĂ©vole Ă un tiers. DâoĂč la solution rendue en lâespĂšce, lâenfant sĂ©journant, au moment du dommage, chez ses grands-parents. La deuxiĂšme chambre civile en dĂ©duit que la condition tenant Ă la cohabitation nâĂ©tait donc pas remplie. Bien que cet arrĂȘt ne fasse que rĂ©affirmer la position traditionnelle de la Cour de cassation en matiĂšre de cohabitation, il nâen a pas moins fait lâobjet de nombreuses critiques de la part des auteurs. Il peut ĂȘtre observĂ© que cet arrĂȘt intervient alors que 5 ans plus tĂŽt lâassemblĂ©e plĂ©niĂšre rendait lâarrĂȘt Fullenwarth, marqueur de la volontĂ© de la Cour de cassation dâengager le mouvement dâobjectivation de la responsabilitĂ© parentale. La solution retenue par la Cour de cassation en 1989 a ainsi Ă©tĂ© montrĂ©e du doigt pour son manque de cohĂ©rence Dâun cĂŽtĂ© la Cour de cassation abandonne lâexigence de faute avec lâarrĂȘt Fullenwarth Dâun autre cĂŽtĂ© elle retient une conception concrĂšte de la cohabitation, alors que cette conception est assise sur la prĂ©somption de faute des parents Exception Afin dâattĂ©nuer les effets de la conception concrĂšte quant Ă lâindemnisation des victimes, la Cour de cassation a posĂ© une limite Ă lâexonĂ©ration de la responsabilitĂ© de parents lorsque lâenfant ne rĂ©sidait pas avec eux de façon effective lâexception de cessation illĂ©gitime de la cohabitation. Cette notion a Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©e par la jurisprudence afin de dĂ©terminer si les parents demeuraient responsables du fait de leur enfant lorsque la cohabitation avait cessĂ© illĂ©gitimement », soit dans les hypothĂšses de fugue de lâenfant ou dâabandon du domicile conjugale par lâun des deux parents. Aussi, dans plusieurs dĂ©cisions la Cour de cassation a-t-elle estimĂ© que lorsque la cohabitation avait cessĂ© illĂ©gitimement, les parents demeuraient toujours responsables de leurs enfants, quand bien mĂȘme ils ne rĂ©sidaient pas avec eux au moment du dommage. Dans un arrĂȘt du 21 aoĂ»t 1996, la chambre criminelle a estimĂ© en ce sens que le dĂ©faut de cohabitation, dĂ©pourvu de cause lĂ©gitime, ne fait pas cesser la prĂ©somption lĂ©gale de responsabilitĂ© pesant solidairement sur le pĂšre et la mĂšre par lâeffet de lâarticle 1384, alinĂ©a 4, du Code civil, en raison du dommage causĂ© par leur enfant mineur» crim. 21 aoĂ»t 1996. ==> DeuxiĂšme Ă©tape le basculement vers la conception abstraite de la cohabitation Dans un arrĂȘt Samda du 19 fĂ©vrier 1997, la Cour de cassation a effectuĂ© un premier pas vers lâadoption de la conception abstraite de la cohabitation. ==> Faits Un mineur ĂągĂ© de 16 ans dĂ©robe une voiture et lâendommage endommagĂ©e Le propriĂ©taire assigne alors en rĂ©paration La mĂšre, titulaire de la garde de lâenfant depuis le divorce Le pĂšre qui, au moment des faits, exerçait un droit de visite. ==> ProcĂ©dure Par un arrĂȘt du 9 mars 1993, la Cour dâappel de ChambĂ©ry accĂšde Ă lâaction en rĂ©paration dirigĂ©e Ă lâencontre du pĂšre, mais rejette la demande formulĂ©e Ă lâendroit de la mĂšre ==> Solution La Cour de cassation censure la dĂ©cision des juges du fond en affirmant que lâexercice du droit de visite et dâhĂ©bergement ne fait pas cesser la cohabitation du mineur avec celui des parents qui exerce le droit de garde» Ainsi, pour la Cour de cassation, estime-t-elle que la mĂšre de lâauteur du dommage engageait sa responsabilitĂ© au mĂȘme titre que le pĂšre. Pour la Cour de cassation, peu importe que le mineur ne rĂ©sidĂąt pas effectivement, au moment de la commission du fait dommageable, chez sa mĂšre dans la mesure oĂč il rĂ©sidait habituellement chez cette derniĂšre. La cohabitation nâavait donc jamais cessĂ©, nonobstant lâexercice du droit de visite du pĂšre. ==> Analyse de lâarrĂȘt Dans lâarrĂȘt Samba, la Cour de cassation se prononce, pour la premiĂšre fois, en faveur de la conception abstraite de la cohabitation. Peu importe que le parent de lâauteur du dommage nâexerce pas sur lui un pouvoir effectif de surveillance. Ce qui compte câest quâil soit investi de lâautoritĂ© parentale. Aussi, la cohabitation procĂšde de lâexercice de lâautoritĂ© parentale et non de la situation de fait que constitue la cohabitation prise dans son sens premier. On passe ainsi dâune conception concrĂšte de la cohabitation Ă une conception abstraite ou juridique. Cette position de la Cour de cassation a-t-elle Ă©tĂ© confirmĂ©e par la suite ? ==> TroisiĂšme Ă©tape la dĂ©termination des nouveaux contours de la notion de cohabitation AprĂšs avoir basculĂ© vers lâadoption de la conception abstraite de la cohabitation, il a fallu redĂ©finir les contours de cette notion. Dans un premier temps, la Cour de cassation sâest rĂ©fĂ©rĂ©e Ă lâexception de cessation illĂ©gitime de cohabitation pour retenir la responsabilitĂ© de parents qui nâhabitaient pas de façon effective avec leur enfant au moment du dommage. ArrĂȘt du 28 juin 2000 La Chambre criminelle a ainsi retenu la responsabilitĂ© dâun pĂšre pour les crimes commis par sa fille dont il avait la garde, alors quâelle vivait depuis prĂšs dâun an avec son concubin au moment de la commission des faits crim., 28 juin 2000 La Cour de cassation justifie sa dĂ©cision en rĂ©affirmant que les pĂšre et mĂšre, ou celui dâentre eux Ă qui lâenfant est confiĂ©, et dont la cohabitation avec celui-ci nâa pas cessĂ© pour une cause lĂ©gitime, ne peuvent sâexonĂ©rer de la responsabilitĂ© de plein droit pesant sur eux, que par la force majeure ou la faute de la victime» ArrĂȘt du 5 juillet 2001 La chambre criminelle adopte une solution similaire Ă celle retenue dans lâarrĂȘt du 28 juin 2000 en rejetant le pourvoi formĂ© par un pĂšre, lequel avait invoquĂ© le dĂ©faut de cohabitation avec sa fille au moment du fait dommageable, cette derniĂšre Ă©tant temporairement absente en raison de leurs difficultĂ©s relationnelles Cass. 2e 5 juillet 2001 Au soutien de sa dĂ©cision, la Cour de cassation considĂšre quâ une simple absence temporaire sans motif lĂ©gitime ne constitue pas une rupture de la cohabitation, le fait quâun enfant cause des problĂšmes Ă ses parents ne pouvant justifier lâabandon de leurs responsabilitĂ©s» Dans un second temps, la Cour de cassation considĂšre que la cohabitation est consubstantielle de lâexercice de lâautoritĂ© parentale, ce qui lâa conduit Ă retenir la responsabilitĂ© de parents alors mĂȘme que leur enfant nâa jamais vĂ©cu avec eux. ArrĂȘt du 8 fĂ©vrier 2005 La Cour de cassation poursuit son travail de dĂ©finition en retenant une solution identique Ă celle adoptĂ©e en 2000 en rappelant mot pour mot que les pĂšre et mĂšre dâun enfant mineur dont la cohabitation avec celui-ci nâa pas cessĂ© pour une cause lĂ©gitime ne peuvent ĂȘtre exonĂ©rĂ©s de la responsabilitĂ© de plein droit pesant sur eux que par la force majeure ou la faute de la victime». Aussi, dans cette dĂ©cision la chambre criminelle estime-t-elle que la cohabitation entre un mineur ĂągĂ© de 16 ans, auteur dâun incendie, et ses parents nâavait jamais cessĂ© alors quâil vivait, de fait, chez sa grand-mĂšre depuis lâĂąge dâun an. Pour la haute juridiction, bien que lâauteur du dommage nâait jamais habitĂ© chez ses parents, ces derniers engageaient malgrĂ© tout leur responsabilitĂ© sur le fondement de lâancien article 1384, al. 4, dans la mesure oĂč la cohabitation nâavait pas cessĂ©, selon ses termes, pour une cause lĂ©gitime. Si dĂšs lors, dans cette hypothĂšse, la cohabitation nâa jamais cessĂ© pour une cause lĂ©gitime », cela signifie que la seule cause lĂ©gitime envisageable ne peut ĂȘtre que la fixation judiciaire de la rĂ©sidence de lâenfant chez un tiers. ==> QuatriĂšme Ă©tape la dĂ©termination des conditions quant au transfert de la garde Lâexamen de la jurisprudence rĂ©vĂšle que le transfert de la garde de lâenfant ne peut rĂ©sulter que dâune dĂ©cision de justice. Ainsi, dans un arrĂȘt du 6 juin 2002, la Cour de cassation refuse de dĂ©douaner de leur responsabilitĂ© les parents dâun mineur qui avait Ă©tĂ© placĂ© dans une association chargĂ©e dâorganiser et de contrĂŽler son mode de vie, les magistrats de la haute juridiction relevant quâaucune dĂ©cision judiciaire nâavait suspendu ou interrompu la mission confiĂ©e Ă lâAssociation » Cass. 2e civ., 6 juin 2002 Cette position est confirmĂ©e Ă plusieurs reprises par la Cour de cassation, notamment dans un arrĂȘt du 8 janvier 2008 oĂč elle rĂ©affirme, sans ambiguĂŻtĂ©, que une association, chargĂ©e par dĂ©cision du juge des enfants dâorganiser et de contrĂŽler Ă titre permanent le mode de vie dâun mineur, demeure, en application de lâarticle 1384, alinĂ©a 1er du code civil, responsable de plein droit du fait dommageable commis par ce mineur, mĂȘme lorsque celui-ci est hĂ©bergĂ© par ses parents, dĂšs lors quâaucune dĂ©cision judiciaire nâa suspendu ou interrompu cette mission Ă©ducative » Cass. crim., 8 janv. 2008. La Cour de cassation a, par ailleurs, eu lâoccasion de prĂ©ciser que la cessation de la cohabitation peut rĂ©sulter dâun divorce ou dâune sĂ©paration de corps. Dans une espĂšce oĂč la garde du mineur Ă lâorigine du dommage avait Ă©tĂ© confiĂ©e, dans le cadre dâune procĂ©dure de divorce, exclusivement Ă sa mĂšre, la deuxiĂšme chambre civile a jugĂ© dans un arrĂȘt du 21 dĂ©cembre 2006 que dans la mesure oĂč lâenfant ne rĂ©sidait pas habituellement avec son pĂšre en vertu des mesures provisoires prises par le magistrat conciliateur, la responsabilitĂ© civile de celui-ci ne pouvait ĂȘtre retenue sur le fondement de lâarticle 1384, alinĂ©a 4, du code civil. » Cass. 2e civ., 21 dĂ©c. 2006. Au total, il rĂ©sulte de lâensemble de la jurisprudence prĂ©citĂ©e que dĂšs lors que les parents exercent lâautoritĂ© parentale sur lâenfant qui a causĂ© un dommage, ils sont irrĂ©fragablement rĂ©putĂ©s cohabiter avec lui. Aussi, est-ce une approche totalement abstraite de la cohabitation qui a Ă©tĂ© adoptĂ©e par la Cour de cassation. Pour François Chabas, la cohabitation est en quelque sorte devenue un attribut de lâautoritĂ© parentale[1], ce qui conduit certains auteurs Ă plaider pour suppression pure et simple de cette condition dont lâexigence nâa, Ă la vĂ©ritĂ©, plus grand sens compte tenu du dĂ©voiement de la notion de cohabitation. [1] F. Chabas, Cent ans dâapplication de lâarticle 1384 in La responsabilitĂ© civile Ă lâaube du XXIe siĂšcle â Bilan prospectif Resp. civ. et assur. 2001, Hors-sĂ©rie, n° 32, p. 43.
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article l 124 6 du code de l éducation